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Changement climatique : l’agriculture en première ligne

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Le dérèglement climatique pourrait fortement affecter l’activité des exploitants agricoles dans un avenir poche.

La météo de l’année 2022 a été catastrophique pour une très grande partie de l’agriculture française et départementale : année la plus chaude jamais enregistrée en France, vagues de chaleur multiples, gel tardif, précipitations faibles… Pour les scientifiques, il ne fait aucun doute que cette année est un symptôme du changement climatique.

Un changement déjà perceptible
En France, la température a augmenté de 1,7 °C depuis 1970, et même si les préci- pitations sont relativement stables, l’eau disponible pour les végétaux diminue du fait de l’augmentation de l’évapotranspiration (+ 20 % depuis 1959 dans le département). Les conséquences sur les cultures sont d’ores et déjà perceptibles, avec une stagnation des rendements de blé observée depuis les années 2000 en  Nouvelle-Aquitaine,  due en partie au changement climatique. En viticulture, à Saint-Émilion, la date des ven- danges a été avancée d’1 mois en 50 ans, et on retrouve cette tendance dans l’ensemble des vignobles français.

Sur l’année 2022, le déficit de rendement des prairies au niveau national s’élève à 24 % par rapport à une moyenne 1989-2018. Dans les Pyrénées-Atlantiques, les données ISOP-Météo France montrent un recul allant jusqu’à 40 %, avec un déficit réel largement supérieur sur certains territoires. En maïs, la récolte est la plus faible depuis 1990, avec des rendements fortement en baisse dans certaines régions. La diminution peut dépasser 50 % dans l’extrême sud-ouest pour le maïs non irrigué et 30 % en compilant maïs irrigué et non irrigué.

Et l’avenir ?
En ce qui concerne le climat à venir, on se base sur les modèles des scientifiques du GIEC (Groupe Intergouvernemental d’experts sur le climat). Le plus pessimiste, si l’on ne réduit pas nos émissions de gaz à effet de serre, prévoit un réchauffement mondial de + 4,7 °C d’ici 2100 par rapport à 1900 tandis que le plus optimiste, si on entreprend des actions d’ampleur pour diminuer nos émissions, réduirait le réchauffement à 1,7 °C. Nous sommes aujourd’hui dans un scénario médian : si on continue sur cette trajectoire, le réchauffement estimé sera de + 3,8 °C en France à l’horizon 2100. Si l’on regarde à un niveau plus local, la tendance est la même, au Pays basque ou en Béarn, en montagne ou sur la côte : aucun territoire ne sera épargné.
L’outil Clima-XXI, développé par le réseau des chambres d’agriculture, permet en effet de donner des simulations de l’évolution d’indicateurs climatiques et agro-climatiques au cours du XXIe siècle, à partir des modèles utilisés par les climatologues. Au niveau des précipitations dans les Pyrénées-Atlantiques, il semble qu’elles seront un peu plus importantes en hiver et en automne, et moins importantes en été. À cela va s’ajouter la hausse de l’évapotranspiration en période estivale plus particulièrement, avec  donc un déficit hydrique creusé sur cette période. De ce fait, et en prenant en compte d’autres facteurs tels que la baisse des précipitations neigeuses, le débit des cours d’eau sera directement impacté. On devrait observer une diminution de 30 % en moyenne du débit moyen des cours d’eau en 2050 par rapport aux années soixante-dix. Ces moyennes cachent aussi  la survenue  beaucoup plus probable à l’avenir d’événements extrêmes. Les effets seront donc d’autant plus marqués pour l’agriculture dans le futur, à court et moyen terme. 

Des conséquences en cascade
Sur les cultures, le principal changement sera l’accélération des cycles, avec des récoltes toujours plus tôt pour les cultures et une valorisation de l’herbe (par coupe ou pâtuage) à la fois plus avancée au printemps et plus retardé en automne. Les stress estivaux seront d’autant plus importants, en particulier le manque d’eau ou les jours de très fortes chaleurs, impactant directement les rendements, ou la période de maturation des raisins pour la vigne, avec des conséquences directes sur la qualité des raisins et donc des vins. Concernant l’élevage, au-delà des effets sur la ressource alimentaire, les animaux étant particulièrement sensibles aux fortes chaleurs, les conséquences pourront se traduire en termes de productivité, de qualité des produits ou de fertilité. Enfin, la hausse des températures et la diminution du nombre de jours de gel influeront immanquablement sur les ravageurs et la circulation de certaines maladies animales.
Les filières agricoles, et celles de nos dépar- tements ne font pas exception, sont particu- lièrement vulnérables face au changement climatique et en sont une des premières victimes. « Les records d'aujourd'hui seront la norme de demain » alertent les climatologues : la météo de 2022 deviendra la norme dès 2060 ! Si des actions d'anticipation, de protection et d'adaptation ne sont pas engagées dès à  présent, les filières ne seront pas assez résilientes dans les années à venir, alors même qu'elles se trouvent pour certaines dans un contexte socio-économique très difficile. Néanmoins, des pistes d'adaptation existent dès à présent. Comme l'énonce la filière viticole dans son plan stratégique, « face au changement climatique, nous devons devenir acteurs de notre avenir. »

Jean Beudou, Conseiller filière ovine - Recherche, développement, innovation, Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques