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La diversité végétale favorise la protection des cultures

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L’Inrae a fait une synthèse des connaissances scientifiques sur le lien entre la diversité végétale et la quantité de biodiversité qui favorise la protection des cultures et les rendements.

L’Inrae missionné par les ministères de l’Agriculture, de la Transition écologique et de la Recherche a mené une expertise sur la diversité végétale mise en œuvre dans les fermes bio de par leur obligation de rotations ou simplement pour favoriser la protection des cultures. L’objectif était de valider l’intérêt de cette pratique culturale pour que les systèmes agricoles transitent vers une agriculture plus économe en pesticides et afin d’atteindre les objectifs fixés par le plan Ecophyto2+. On sait que le rendement des cultures dépend d’un ensemble de facteurs au premier rang desquels figurent la pression des bioagresseurs, la fertilité des sols ou encore la pollinisation. Pour le monde agricole, protéger les cultures consiste à sécuriser sa production en s’assurant qu’elles ne vont pas être affectées par leurs bioagresseurs.

Levier majeur de la biodiversité
Depuis 2019, les équipes de l’Inrae se sont penchées sur les bénéfices de la diversité végétale pour la protection des cultures. Les conclusions de cette expertise, présentées le 20 octobre dernier, montrent, notamment, que la diversification végétale des parcelles et des paysages agricoles est une solution naturelle efficace pour protéger les cultures et garantir des niveaux de rendements égaux voire supérieurs aux systèmes peu diversifiés. Il s’agit d’un levier majeur pour préserver l’environnement et la santé humaine en conservant une agriculture productive comme l’on comprit les agriculteurs biologiques depuis bien longtemps. La preuve en est maintenant faite.
Les impacts environnementaux et sanitaires de l’utilisation généralisée des pesticides sont désormais bien établis par des synthèses scientifiques d’ampleurs nationale et internationale. L’impact des modes de production agricole sur le changement climatique et l’érosion de la biodiversité le sont tout autant. Face à ces enjeux, le Pacte vert de l’Union européenne vise, à l’horizon 2030, une réduction de 50 % de l’usage des pesticides, ainsi qu’une augmentation jusqu’à 25 % de la part des surfaces agricoles cultivées en agriculture biologique. L’Union européenne affiche également l’objectif d’augmenter jusqu’à 10 % les surfaces occupées par des éléments à haute diversité biologique (bandes enherbées, terres en jachère, haies…).
Malgré la prise en compte de ces enjeux dans les politiques publiques, la transition vers des systèmes de culture plus économes en pesticides n’est aujourd’hui pas suffisamment développée pour atteindre les objectifs fixés. Les chercheurs ont donc essayé d’amener des éléments factuels pour répondre au manque de recul critique et de vision d’ensemble sur l’efficacité « au champ » de la solution agroécologique que représente la diversité végétale pour protéger les cultures tout en favorisant la biodiversité et les services écosystémiques.
Mais en quoi consiste la diversité végétale ? Elle consiste à faire cohabiter de nombreuses espèces végétales à travers par exemple, les rotations, l’utilisation de mélanges variétaux (prairies multi-espèces ou cultures associées), les infrastructures agroécologiques (haies, mares, bosquets…) que l’on retrouve dans la conditionnalité et les écorégimes de la nouvelle PAC, les bandes enherbées le long des cours d’eau ou à l’interrang de cultures pérennes, les terres en jachères… Autant d’éléments semi-naturels servant de refuge et de nourriture aux ennemis naturels de certains bioagresseurs des cultures (champignons pathogènes, insectes ravageurs, vers nématodes, plantes adventices…). L’équipe de l’Inrae s’est donc penchée sur de nombreuses études scientifiques pour réaliser une synthèse des connaissances internationales disponibles. Cette expertise croise des regards issus des sciences biologiques et des sciences économiques et sociales pour analyser les freins et leviers au développement de stratégies de protection des cultures fondées sur la diversification végétale.
D’après l’Inrae, les connaissances scientifiques actuelles montrent que toutes les formes de diversification du couvert végétal sont corrélées à l’augmentation du niveau de biodiversité. Si l’agroforesterie contribue aux plus fortes augmentations de la biodiversité (+ 61 %), d’autres pratiques ont également un impact positif. L’inclusion de couverts végétaux en période d’intercultures est associée à une augmentation de 21 % de la biodiversité qui progresserait de 37 % avec les rotations de cultures.

Des gains notables
Un lien positif fort entre diversité végétale et régulation naturelle des bioagresseurs est démontré. L’utilisation de couverts végétaux en intercultures, en particulier, permet d’augmenter le contrôle des bioagresseurs de 125 %. Au sein d’une même parcelle (cultures associées, cultures en relais), il est constaté une augmentation du contrôle des bioagresseurs de 60 % lors de l’association de plusieurs espèces végétales, de 40 % grâce à l’agroforesterie, et de 84 % avec l’implantation de haies notamment.
Grâce à la diversité végétale, les cultures peuvent voir leur rendement augmenter de 2 à 47 %. Les gains sont notables avec la pratique des rotations de cultures (10 à 20 %) et avec les associations d’espèces cultivées pour au moins une des deux espèces (20 à 40 %). Cependant, au niveau des exploitations, les études économiques sont plus mitigées et montrent des effets à la fois positifs, neutres et négatifs. En effet, la mise en œuvre de certaines modalités de diversification végétale peut entraîner une réduction des surfaces cultivées (implantation d’espaces semi-naturels par exemple) ou, au contraire, les augmenter comme avec la pratique des cultures associées.
 
Cette étude vient donc asseoir les pratiques mises en œuvre par les agriculteurs bio depuis de nombreuses années. Sur l’évaluation des effets de la PAC sur 27 exploitations des Pyrénées-Atlantiques, dont 7 mixtes qui pratiquent à la fois de l’agriculture biologique et conventionnelle, les 20 exploitations 100 % bio atteignent, en moyen, 8,6 (note allant de 6 à 12) quant au nombre de points atteints concernant l’écorégime par la voie des pratiques. Les 7 exploitations mixtes atteignent, quant à elles, 6,7 points en moyenne (note allant de 5 à 8). Le nombre de points atteints est notamment lié à la diversité de l’assolement et à la présence de prairies.
Il ne s’agit ici que d’un petit échantillon qui mériterait d’être approfondi. Il sera également intéressant de voir quel est le pourcentage d’infrastructures agriécologiques sur les exploitations bio, mixtes et conventionnelles, à une échelle plus large afin de corroborer le fait de pouvoir produire avec des rendements permettant la viabilité des exploitations sans utilisation de pesticides et en présence d’une haute diversité végétale, si les plus de 10 % d’exploitations bio ne suffisent pas à le prouver.
Les politiques publiques et notamment la nouvelle PAC visent à généraliser ces pratiques qui rendront services à nos écosystèmes et à la biodiversité dont le monde ne peut se passer sans pour autant pénaliser le rendement des cultures. Au vu de l’évolution du changement  climatique,  avons-nous le choix de l’adaptation des systèmes de production ?
 

Contact : Ludivine Mignot,  conseillère bio Chambre d’agriculture 64, l.mignot@pa.chambagri.fr