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Le miscanthus en litière à l’épreuve du terrain

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Des essais de litière à base de miscanthus menés dans les Pyrénées-Atlantiques ont fourni leur premier verdict.

Nous vous avions déjà parlé du miscanthus plante pérenne (20 ans) ayant de nombreux atouts pour notre région. La chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques, dans e cadre de Valley bio du gave, le teste en grandeur nature avec ses partenaires pour le plan d’action territorial du gave de Pau avec les soutiens financiers de la Région, de l’Agence de l’eau et du département. Voici les premiers résultats.
Ses usages sont multiples mais méconnus sur le territoire. La chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques met donc en place des essais dans différents domaines afin d’étayer nos connaissances sur le produit notamment avec un premier essai en l’utilisant en litière d’un troupeau de Blondes d’Aquitaine. L’essai a été mené au GAEC Augareils à Sainte- Colome de décembre 2021 à février 2022, sur 2 mois. Trois modalités ont été comparées, la paille accumulée, le miscanthus accumulé (10 cm au départ puis apport tous les 2 jours) et miscanthus malaxé composté (apport de 25 à 30 cm remué quotidiennement avec une herse ou une griffe).

Trois essais de litière
Le même type et la même densité de vache ont été mis dans 3 zones, avec la même ali-mentation à savoir 1/3 foin, 2/3 enrubanné de méteil et farine de maïs (bouse observée ferme). L’objectif était de maintenir les vaches dans un état de propreté correcte. Chaque quantité de litière rajoutée et la fréquence d’ajout ont été enregistrées. Le bâtiment de par sa forme, fermée sur 4 côtés, n’est pas particulièrement adapté à l’usage de mis-canthus. En effet, la bibliographie préconise l’usage du miscanthus en bâtiment ouvert de type stabulation sur aire paillée ouverte sur 3 côtés voire sans côté. Cette préconisation est en lien avec l’assèchement du produit permis par l’aération du bâtiment. À noter également que les vaches ne disposaient pas d’une aire d’exercice raclée, la litière venant sous le pied des animaux aux cornadis, ce qui a entraîné un arrêt précoce de l’essai.
Le miscanthus a été mis en place selon les modalités préconisées au godet. Pour la modalité compostée, il était brassé à l’aide d’une griffe en bout de télescopique par-des-sus les cornadis. L’essai a pu être suivi pendant 2 mois, les box ayant dû être vidés car les vaches avaient des difficultés à s’alimenter en raison de la hauteur de matière accumu-lée sous leurs pieds. Trop hautes, les vaches avaient des difficultés à s’alimenter dans de bonnes conditions.
La conduite miscanthus accumulé s’appa-rente à la conduite classique en paille accu-mulée en termes de quantité et a dépassé au bout d’un mois la quantité mise en miscan-thus composté. En miscanthus composté, la littérature préconise 1 à 2 herbages par jour. Frédéric Augareils hersait tous les 2 à 3 jours, les vaches auraient certainement gagné en salissement en hersant plus souvent.
Une approche du coût du paillage a été réali-sée grâce au suivi des quantités apportées. Il est à noter que la litière conduite en miscan-thus composté aurait pu être prolongée et ainsi réduire encore plus les coûts par mètre carré. Avec un prix de paille à 65 €/t (contrat de la ferme) le coût est revenu à 3,683 €/m2. Avec une paille à 80 €/t, le coût de paillage monte à 4,55 €/m2.
En miscanthus accumulé, avec un prix d’achat de 195 €/t incluant le transport, le paillage est revenu à 14,35 €/m2. En autoproduction pour un coût de 70 €/t amortissant la mise en culture sur 10 ans et les coûts de produc-tion allant jusqu’au stockage, le paillage est revenu à 5,15 €/t.
En miscanthus malaxée compostée avec le miscanthus acheté, le coût s’élève à 9,62 €/m2 et descend à 3,453 €/m2 en miscanthus autoproduit. Cette modalité en miscanthus composté autoproduit s’avère donc la plus intéressante économiquement surtout si elle se poursuit plus de 2 mois.
La littérature précise que cette conduite peut être poursuivie de 4 à 6 mois ce qui réduirait de moitié le coût présenté ici pour le ramener à 1,72 €/m2 en miscanthus produit. De plus, les quantités de litière utilisée pendant cette période supplémentaire aurait d’autant plus augmenté l’écart entre les modalités accu-mulées et la modalité miscanthus composté. À noter que la modalité de miscanthus accumulé est la moins intéressante écono-miquement au regard du tarif de la paille espagnole comptée entre 65 et 80 €/t rendue. Les températures ont également été suivies pendant l’essai à 3 cm et 10 cm de profondeur pour chacune des modalités. Les tempéra-tures observées sont relativement variables au fil de l’essai. Toutefois, les modalités mis-canthus voient moins d’échauffement de litière comparé à la paille (4 à 6 °C de moins). Et la modalité miscanthus composté chauffe moins que la litière miscanthus accumulé (2° d’écart). Ce matériau est donc plus intéressant que la paille pour ce critère.

Autonomie
Des analyses de fumiers ont été réalisées. Les fumiers issus de miscanthus ont une valeur C/N beaucoup plus importante — de 26,9 en accumulé et 29 en composté — que le fumier de paille à 19,1. Rappelons qu’au-delà de 25, le produit n’est plus considéré comme un fertilisant mais comme un amendement. Ceux-ci seront donc plus longs à assimiler (car plus stables) dans les sols et la décom-position de la matière organique nécessitera plus d’azote.
Ils sont moins pourvus en azote total de 1 (miscanthus accumulé) à 2 points (miscanthus composté) mais bien plus riche en potasse (près du double). En culture de miscanthus, il est d’ailleurs recommandé de faire des apports de potasse au bout de quelques années. Ils sont moins riches en calcium et magnésium.
Frédéric Augareils et son fils Baptiste vont adopter, au moins pour partie, le miscanthus comme litière pour leurs vaches allaitantes. Pour cela, ils en planteront 2,40 ha ce printemps. C’est un produit léger, facile à manipuler pour le stockage et la mise en place : godet puis passage de râteau ou pelle et les vaches l’étalent facilement en marchant dedans. Ensuite, il se tasse ce qui permet de rouler dessus en s’enfonçant bien moins que dans la paille.
Le curage est plus facile que pour les litières à base de paille car le miscanthus n’a pas de brins longs s’enchevêtrant. Le fumier est plus facile à épandre car moins fibreux. Le miscanthus était mis au godet, les essais à la pailleuse ont été peu concluants car le miscanthus passait sous le tapis et sa légèreté le faisait s’envoler partout. Pour finir, le miscanthus fourni, ils vont en mettre 10 cm en fond de box et ajouter de la paille par-dessus au fur et à mesure. Suite à la plantation qu’ils vont réaliser ce printemps en zone de captage d’eau, ils tenteront de récolter une partie du miscanthus en ballot pour, ensuite, le faire passer à la pailleuse.
Pour conclure, dans le cadre de cet essai, l’autoproduction de miscanthus pour un usage en litière compostée est un vrai enjeu de réduction des coûts de production. La plantation de miscanthus permettra à l’exploi-tation de gagner en autonomie ainsi qu’en stockage carbone. Le miscanthus composté pourra être utilisé comme source d’amendements, il s’agit d’un produit assez stable. Il permet de maintenir des températures de litière propice au bien-être animal.
Un second essai en miscanthus malaxé com-posté a été mis en place sur une exploitation laitière à Arbus mais a dû être interrompu au bout de 15 jours suite à l’envolée des températures de la litière (jusqu’à 40 °C). Est-ce en lien avec le manque de produit ? En effet, seulement 12 cm ont été constatés à une semaine au lieu des 25 préconisés. Est-ce en lien avec la ration alimentaire à forte dose de maïs ensilage ce qui induit donc des bouses très liquides ? Autant de questions à approfondir.
Des points de vigilance restent à prendre en considération : les surfaces nécessaires à la production au détriment de l’autonomie alimentaire des troupeaux, le stockage du miscanthus (compter 35 m2 de stockage/ha sur 3 à 4 m de haut), la possibilité de herser la litière (accessibilité), le type de stabulation — dans cet essai, l’absence d’aire d’exercice raclée devant les cornadis à pénaliser la durée d’utilisation du miscanthus composté — et la ration apportée aux animaux. Toutefois, le miscanthus peut être une alter-native très intéressante pour aller vers plus d’autonomie sur son exploitation et faire des économies de litières si la pratique est possible dans de bonnes conditions

Contact : Ludivine Mignot, conseillère bio chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques