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Et le devenir de l’agriculture biologique dans tout ça ?

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Avec la reprise des anciennes habitudes d’avant Covid, le retour de l’inflation, la guerre en Ukraine…, les consommateurs font davantage attention au prix qu’à la qualité de leur alimentation.

L’agriculture biologique reste un mode de production exigeant techniquement mais apportant des résultats probants sur l’état de notre environnement en limitant les pollutions et avec des objectifs de bien-être animal forts. Les crises Covid-19, Ukraine, sanitaire, l’inflation… sont autant de facteurs l’impactant au même titre que l’agriculture conventionnelle. L’État affiche des ambitions de 18 % de surface bio en 2027, mais s’en donne-t-il les moyens ? Où en est la bio dans tout ça, vers quel scénario ira-t-elle ? Quels sont les leviers ?

Reprenons dans l’ordre. Depuis 2010, et malgré la stagnation du marché alimentaire, la demande en produits bio n’a fait qu’augmenter avec, notamment, la croissance de l’offre en grande distribution. Le produit bio était alors le produit alimentaire de qualité par excellence. Mais l’offre de produits “sans” (clean label) a progressé et propose une offre répondant aux inquiétudes de santé dans l’alimentation, faisant ainsi concurrence aux produits bio. Les classes moyennes ont basculé vers cette offre.
Depuis quelque temps, c’est le produit local qui fait de la concurrence au bio. Les critiques vis-à-vis des produits bio non fabriqués en France se développent sur la même période. En 2020 et la crise Covid-19, les consommateurs se sont tournés vers l’achat de proximité bio qui a fait progresser la vente directe. Aujourd’hui, les consommateurs sont retournés sur leur lieu de travail et à leurs habitudes alimentaires. Parallèlement, ils ont perdu parfois l’habitude de consommer bio. Le contexte économique actuel (inflation, hausse du poids des dépenses contraintes) réduit le pouvoir d’achat des consommateurs. Ainsi, le facteur prix devient primordial et a conduit à un ralentissement des ventes de la bio en 2021. L’an dernier, le marché bio français a reculé de 0,5 % par rapport à 2020 et la production ne connaît plus la forte croissance des années 2010. La GMS a représenté 50 % du marché bio en 2021, devant la distribution spécialisée (27 %) et la vente directe (7 %). Les ventes bio ont reculé en GMS (- 3,9 %) et en magasins bio (- 1,8 %), mais ont progressé chez les artisans-commerçants (+ 5,8 %), en vente directe (+ 7,9 %) et en RHD (+ 20,6 %). Quant aux importations, elles sont passées de 33,5 % en 2020 à 31,9 % en 2021 et les exportations ont progressé de 18 % en 2021.

Tendances 2022
Au cours du premier semestre 2022, les ventes de produits bio en GMS (hard dis-count, magasins de proximité et drive inclus) ont globalement reculé de 8,3 % en valeur par rapport à la même période de 2021 (tandis que les ventes de produits non bio ont baissé de 5,8 %). Le chiffre d’affaires des magasins spécialisés bio a reculé de 15 % au premier semestre 2022 par rapport à la même période 2021. Au cours du premier semestre 2022, il y a eu 80 ouvertures de magasins bio et 123 fermetures, chiffre exceptionnellement élevé. Il y a cependant un solde positif en termes de surface de vente (+ 3 521 m2). Un tiers des ouvertures a été réalisé par le réseau Biocoop, comme en 2021. Pour l’instant, aucun chiffre n’est sorti sur la vente directe.
En matière de prospective, quatre scénarios de développement de la bio ont été envisagés dans une étude du Credoc et de la Maison de la bio. Le scénario le plus favorable pour la demande prévoit une progression du pouvoir d’achat, une forte progression des attentes écologiques, la montée en force du rejet des produits de chimie de synthèse et de l’alimentation industrielle…
Au niveau de l’offre, le scénario prévoit une forte reprise économique portée par la transition écologique, une dynamique de conversion encore accélérée, une généralisation des offres bio, un dynamisme de la création d’entreprises innovantes, une capacité des offreurs à limiter leur impact carbone, à aller vers le bio équitable, le bien-être animal. Ce schéma prend en compte la capacité de la filière à limiter l’écart de prix avec les produits traditionnels grâce aux gains de productivité et à la modération des marges de la distribution…
Le scénario le moins favorable qui prévoit la stagnation voire l’érosion du marché du bio intègre, au niveau de la demande, un pouvoir d’achat en baisse, notamment pour les classes modestes et la classe moyenne. Dans ce contexte de crise économique, les préoccupations se déplacent vers le chômage et la pauvreté plutôt que sur la préoccupation santé et écologique. Dans ce scénario, les consommateurs privilégient le prix et très peu la qualité, d’où une faible sensibilité aux bienfaits du bio. Au niveau de l’offre, dans ce schéma où la crise économique perdure suite à la pandémie et à la guerre en Ukraine, le taux de conversion des agriculteurs reste faible et l’offre ne parvient pas à contenir les prix, notamment en raison du réchauffement climatique. De même, le tissu d’entreprises s’érode et la dynamique d’investissement et d’innovation est faible, et la concurrence d’autres marchés (le local, autres labels…) est croissante.
Les deux trajectoires les plus ambitieuses (scénario 1 et 4) nécessitent une action politique et publique forte, notamment sur le respect de l’engagement du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation pris en 2021 d’atteindre 18 % de SAU en bio d’ici 2027.

Outils politiques
Pour la réforme de la PAC, des plans stratégiques nationaux ont été transmis à l’Europe. La première version du PSN français a été retoquée et donc modifiée, notamment en revalorisant l’éco-régime des exploitations 100 % bio à 106 € (niveau 3) soit 30 € de plus pour les exploitations accédant au niveau via d’autres certifications ou d’autres voies comme celles des pratiques ou des infrastructures agri-écologiques (IAE). Toutefois, cette revalorisation reste insuffisante avec une perte d’aides pour les exploitations bio estimées à 19 % que le crédit d’impôts bio ne suffira pas à combler.
Début juillet, la Cour des comptes a publié son rapport sur les politiques publiques en faveur de l’agriculture biologique. Elle estime que l’agriculture biologique n’est pas suffisamment soutenue par les pouvoirs publics au regard de l’ambition affichée. Elle demande, notamment, de mieux éclairer le choix des consommateurs par le biais de campagnes de communication, mais aussi de clarification des bénéfices, face aux autres labels et certifications. La Cour juge nécessaire de renforcer le budget de l’Agence Bio et souhaitable que les interprofessions la soutienne, tout comme l’ITAB.
La Cour des comptes milite également pour le redéploiement des soutiens publics en réallouant les ressources de la PAC. Elle remet aussi en question la décision du gouvernement de 2017 de supprimer l’aide au maintien. Elle recommande d’instaurer une rémunération pour services environnementaux du bio dans l’éco-régime et de renforcer les MAEC. La Cour des comptes recommande la valorisation des produits bio dans le futur affichage environnemental et une meilleure application d’Egalim 2 pour pousser à la contractualisation en bio. De même, elle préconise la pérennisation du fonds Avenir bio et une mission prospective sur la contribution du bio à l’autonomie agroalimentaire française et européenne, sous l’égide de France Stratégie.
Face à un marché morose, aux soutiens apportés à la bio et à l’attente du nouveau cahier des charges bio, les conversions marquent le pas en 2022. L’Agence Bio et la DGPE piloteront fin 2022-2023 une étude intitulée “Le secteur bio français : quels futurs possibles ?” dans le cadre du programme ministériel d’études 2022 (SG/SSP/CEP) qui viendra renforcer celle faite par le Credoc et la Maison de la bio en 2021. Espérons qu’elle permettra de faire bouger les lignes et qu’ainsi l’agriculture biologique poursuivra son développement.

Contact : Ludivine Mignot, conseillère bio chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques  Tél. : 06 24 44 00 27