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La génétique au service de la diversité animale

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L’agriculture biologique participe au maintien des races locales, répondant à une attente des consommateurs. Des verrous restent pourtant présents, comme la valorisation des animaux.

Le cahier des charges de l’agriculture biologique précise que lors du choix des races ou des souches, il est tenu compte de la capacité des animaux de s’adapter aux conditions locales, de leur vitalité et de leur résistance aux maladies. La préférence est ainsi donnée aux anciennes races régionales et aux souches autochtones. Le maintien de la diversité des espèces et de leur génétique est donc plébiscité. Avec le développement de l’agroécologie, de plus en plus de chercheurs se penchent sur le sujet.
En effet, avec les évolutions rapides des conditions d’élevage tels les épizooties ou le changement climatique qui affecte l’approvisionnement en eau, en pousse d’herbe, etc., ils reconnaissent qu’il est important d’avoir de la diversité génétique pour garantir une diversité de réactions à ces aléas. De plus, l’attitude des consommateurs change depuis plusieurs années. Ces derniers recherchent des produits éthiques avec prise en compte du bien-être animal et des conditions environnementales, avec consommations d’animaux touchant moins l’environnement. Raison pour laquelle, entre 2008 et 2018, il y a eu un doublement des élevages alternatifs d’œufs mis en place, ce qui a induit une augmentation des surfaces cultivées en bio pour nourrir les animaux.

Caractériser, gérer et utiliser
La génétique animale peut intervenir sur la transition agroécologique à différents niveaux, notamment à travers l’amélioration de l’efficacité des systèmes avec des animaux  qui consomment moins. Mais aussi avec la substitution de races par d’autres races ou encore la reconception complète de systèmes qui impliquent plus de travers à différentes échelles ; celles de systèmes plus diversifiés et localement adaptés mais également à l’échelle des individus pour préserver l’adaptation. Il peut aussi y avoir robustesse et redondance des systèmes par la diversité des sous populations.
La diversité génétique peut donc être entre espèces tel que pratiqué dans le bassin de l’Adour avec vaches, chevaux et/ou ovins en pacage successif, et aussi au sein des espèces ou au niveau des races. Mais cette variabilité génétique présuppose des espèces adaptées aux conditions et une adaptation du système avec des cayolars ou des camions de traite mobiles par exemple.
La variété génétique doit être caractérisée, gérée et utilisée. La caractérisation de la diversité génétique est passée par plusieurs phases au cours de l’histoire de l’agriculture, notamment la domestication des races qui a entraîné la sélection réduisant la diversité dans tous les compartiments génétiques. Pour l’amélioration des races, certains gènes ont été sélectionnés et ont entraîné une réduction des gènes non sélectionnés. La sélection sur quelques animaux a également appauvri la diversité génétique.
Les animaux sont sélectionnés généralement en fonction de leur apparence, ce qui génère ainsi une population souvent rattachée à un territoire (par exemple, le porc basque). Dans le cadre de la domestication, la variabilité des phénotypes, souvent critère majeur de sélection, génère une grande diversité dans les races mais pas au sein de chaque race.

Choix des races
En France, sur les vaches par exemple en 1979 et 2008, la Prim’Holstein a largement pris le dessus et les races minoritaires se sont de plus en plus réduites. La révolution verte a réduit le nombre de race mais les AOP ont parfois permis de soutenir certaines races, comme les Manechs têtes rousses ou Manechs têtes noires et les Basco-béarnaises à travers l’AOP Ossau-Iraty. À noter, en vaches laitières, trois races représentent 96,3 % des espèces de vaches en France. En chèvres, Saanen et Alpines représentent 99 % des races. 
Le classement des races ne dépend pas de leur niveau de performance uniquement. Certaines, comme la Brune des Alpes par exemple, ont un niveau de production élevé mais restent sous-représentées en exploitation.
En volaille, les races sont différentes selon la durée de vie des poulets imposés par les cahiers des charges qui commandent les courbes de croissance recherchées et donc les races utilisées. La prime races menacées (PRM), qui est une façon de préserver les races anciennes, existe pour les herbivores, équins, asins et porcins mais pas en aviculture. Cette politique publique permet pourtant de maintenir les races ciblées par le cahier des charges PMR.
La stratégie de conservation des races locales avicoles a été explorée dans le projet Biodiva qui a pour objectif de caractériser la diversité génétique des races françaises de volailles à l’aide de marqueurs à haute densité, de proposer des outils pour la gestion génétique des races locales et d’apporter des éléments scientifiques pour la mise en place du dispositif PRM en volailles.

Conservation de la diversité
Les races qui ne sont pas gérées au sein d’un gestionnaire de race mais entre producteurs induit des sous-races locales et repose la question de la conservation de la diversité. Mais mieux vaut-il une grande race avec de la diversité ou une petite race avec plein de sous-population ? Le débat n’est pas tranché d’un point de vue écologique. Plus les conditions sont hétérogènes, mieux il vaut conserver de nombreux sous-groupes.
Gwendal Restoux, à travers ses travaux pour l’Inrae, montre que la diversité génétique neutre et fonctionnelle permet de réduire l’impact sur l’environnement et que des évaluations multicritères doivent être faites soit sur des expériences en site ou en modélisation. Il relève qu’il y a besoin de développer des outils pour faire de l’amélioration de données et pouvoir prendre en compte plus de données et ainsi être plus prédictif pour faire face aux évolutions émergentes.
De nombreux verrous restent pourtant présents, comme la valorisation des animaux. Dans la pratique, la reconception des systèmes est compliquée car il ne faut pas perdre de vue la production et donc la valorisation des produits.
La valeur patrimoniale est également forte dans la représentation collective. De plus, les personnes ayant entrenu l’existence de races, voire leur sélection, ont parfois du mal à partager ce qu’ils ont préservé contre vents et marées et ce qui fait leur spécificité. Pourtant, construire un tissu économique autour de la préservation des races s’avère indispensable à leur maintien, leur gestion et leur diffusion.
Devant les secousses actuelles connues pour l’élevage pour faire face aux aléas climatiques, épizootiques, à la décarbonation de l’agriculture, aux évolutions de marché, etc., la diversité génétique des animaux d’élevage est une sécurisation de notre agriculture. Elle doit être soutenue dans toute sa diversité et toutes ses échelles notamment à travers les politiques publiques envers les éleveurs et les gestionnaires de races qui font un travail indispensable à son maintien. Les agriculteurs bio, de par le cahier des charges qu’ils doivent mettre en œuvre, sont des acteurs majeurs dans ce domaine.

Contact : Ludivine Mignot,  conseillère bio Chambre d’agriculture 64, l.mignot@pa.chambagri.fr