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La laine : de la brebis au sol ?

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Une étude menée dans le cadre du programme Interreg-Poctefa a mis en lumière que la valorisation de la laine comme fertilisant constituait une voie prometteuse.

Il peut paraître surprenant de valoriser la laine, matériau aux si nombreuses qualités, en fertilisants. Mais la richesse de la laine en éléments minéraux, en particulier en azote et en soufre, incite à s’y intéresser. Par ailleurs, la transformation en fertilisants présente deux avantages : la capacité à traiter de gros volumes, à mettre en relation avec les 1 000 tonnes produites annuellement dans les Pyrénées-Atlantiques, et le fait de ne pas avoir à laver la laine, étape aujourd’hui problématique. C’est pourquoi, au sein du projet Interreg-Poctefa Lanaland, un programme s’est intéressé de près à cette valorisation, au travers de deux débouchés : le compostage et les granulés fertilisants.

La problématique réglementaire
Lorsqu’on s’intéresse à ce type de débouché, on est d’emblée freiné par un verrou réglementaire. En effet, la réglementation européenne classe la laine en sous-produit animal de catégorie 3, dont les contraintes sont spécifiques. Si la réglementation est sensiblement différente pour les composts ou les granulés fertilisants, dans les deux cas, il reste nécessaire pour transformer la matière soit de respecter des paramètres de transformation normalisés (imposant montée en température et/ou en pression) correspondant à une étape dite d’hygiénisation ; soit d’apporter la preuve que le procédé choisi garantit une diminution adéquate des risques biologiques. Du fait de ces textes européens, le compostage à la ferme est aujourd’hui interdit.

L’espoir du compost
Pour la transformation de la laine via le compostage, un protocole a été construit avec l’APESA, en accord avec les autorités réglementaires locales. Les essais se sont déroulés sur une plateforme bétonnée à Hasparren, sur une durée de 4 mois, avec des suivis très précis, en comparant plusieurs modalités : laine coupée/laine non coupée, avec déchets verts/sans déchets verts. Sur chaque tas, 2 retournements d’andains étaient réalisés. Les résultats montrent tout d’abord que le retournement d’andains, même avec de la laine non coupée en quantité importante, n’a pas posé de problèmes particuliers. De même, la laine s’est considérablement dégradée, même si des filaments restent observables pour l’essai avec de la laine non coupée. Si le processus de compostage n’est pas optimal en soi, c’est avant tout en raison des caractéristiques des fumiers ovins, et non du fait de l’ajout de laine.
Ainsi, la faisabilité technique est claire et les aspects réglementaires sont également encourageants. En effet, les tas ont soit respecté, soit se sont fortement rapprochés des procédures de transformation normalisées (montée à 70 °C pendant une heure). De plus, l’ensemble des tas satisfait aux exigences réglementaires sur le plan microbiologique. On peut enfin noter, même si ce n’est pas flagrant, que les composts contenant de la laine contiennent logiquement plus d’azote et de soufre.

Des granulés prometteurs
Concernant les granulés, l’Institut Agro à Montpellier s’est chargé des recherches. La fabrication de granulés comprend deux étapes : une première de fractionnement de la laine, avec un broyeur coupant la laine en fragments de 10 à 20 mm ; une seconde de granulation avec une presse à granulés. L’enjeu était alors d’étudier ces procédés avec nos laines locales, de définir une composition adéquate des granulés, et de décrire les paramètres optimums de la presse.
Sur le plan technique, les granulés 100 % laine sont ceux qui se tiennent le mieux, ce qui est une très bonne nouvelle. La composition élémentaire, environ 10 % en azote, 8 % en potasse et 2 % en souffre, est également prometteuse, tout comme les capacités de rétention d’eau. Toutefois, le procédé en l’état ne représente pas une étape d’hygiénisation en tant que telle. De plus, un risque microbiologique a été détecté au travers de la présence de Clostridium dans les granulés, agent pathogène pouvant engendrer des intoxications alimentaires.
Enfin, une étude de marché, commanditée par la chambre de commerce et d’industrie de Bayonne, a montré que la commercialisation de ces granulés en jardinerie, en prenant comme hypothèse de payer la laine 0,50 centime/kg aux éleveurs, pouvait tout à fait rentrer dans une logique économique pour un transformateur.
Faisabilité technique, débouchés viables pour les éleveurs, potentiel de création d’une activité économique locale : la valorisation de la laine en fertilisants semble prometteuse. Reste toutefois à lever les problématiques réglementaires, et ce sera tout l’enjeu des semaines et des mois à venir, en lien avec les autorités en charge de ces dossiers.

Contact :
Jean Beudou, conseiller filière ovine - Recherche, développement, innovation
Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques
Tél. : 06 74 75 39 97
@ : j.beudou@pa.chambagri.fr