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L’AB et la préservation de la biodiversité

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De nombreuses études démontrent que l’agriculture biologique participe au maintien de la biodiversité.

L’IPBES (Plateforme intergouverne-mentale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) précise dans son dernier rapport que, depuis 1970, la production agricole a presque triplé en valeur (atteignant 2 600 mil-liards de dollars en 2016). Cependant, les indicateurs des contributions associées à la régulation des écosystèmes, tels que le carbone organique des sols ou la diversité des pollinisateurs, ont décliné, ce qui indique que la hausse des contributions matérielles n’est souvent pas viable à long terme.
La dégradation des terres a, par exemple, entraîné une réduction de la productivité agricole sur 23 % de la surface terrestre, et des déficits de récolte d’une valeur comprise entre 235 et 577 milliards de dollars risquent de survenir chaque année par suite de la disparition de pollinisateurs. Il précise également qu’à l’échelle mondiale, des variétés et races locales de plantes et d’animaux domestiqués disparaissent. Cette perte de diversité, notamment génétique, compromet sérieusement la sécurité alimentaire mondiale en affaiblissant la résilience d’un grand nombre de systèmes agricoles face à des menaces telles que les ravageurs, les agents pathogènes et les changements climatiques.
Ainsi, 559 des 6 190 espèces de mammifères domestiqués utilisés pour l’alimentation et l’agriculture (soit plus de 9 %) avaient disparu en 2016 et au moins 1 000 autres sont menacées d’extinction. En France métropolitaine plus de 400 espèces de plantes et 32 % des espèces d’oiseaux nicheurs sont menacées de disparition. L’ Académie des sciences souligne que le déclin des populations d’insectes fait peser une « grave menace pour nos sociétés. » Et l’agriculture intensive est pointée du doigt comme facteur causal de cette situation (intrants chimiques de synthèse, destruction des haies, des mares, uniformisation des paysages).

Des impacts sur la biodiversité
Force est de constater que l’agriculture biologique permet d’enrayer ce déclin. En effet, les synthèses des travaux comparant l’effet des pratiques agrobiologiques sur la biodiversité, notamment vis-à-vis des pratiques conventionnelles concluent toutes au fait que les systèmes conduits en agriculture biologique présentent davantage de biodiversité, tant sur l’abondance (nombre d’individus) que sur la diversité (nombre d’espèces). On trouve en moyenne 30 % d’espèces en plus et 50 % d’individus en plus dans les parcelles en agriculture biologique.
Les études les plus récentes confirment ce diagnostic. En 2019, une étude menée sur 6 ans révèle que dans les parcelles en bio sur la zone atelier Plaine et Val-de-Sèvre il y a + 37 % de couvains, + 20 % d’abeilles + 53 % de miel. En effet, le règlement de l’agriculture biologique bannit tout usage de pesticides et d’engrais chimiques de synthèse, qui ont un impact sévère sur la micro et la macrofaune terrestre. En interdisant leur usage, on évite les effets directs et indirects sur ces organismes. Les herbicides sont responsables du déclin de beaucoup de fleurs arables communes et des graines d’adventices indispensables à de nombreuses espèces d’insectes et d’oiseaux spécialistes des milieux agricoles.
Les pesticides ont aussi un impact sur la composition des populations d’oiseaux. L’indice de spécialisation des communautés augmente en effet avec l’usage des pesticides. Seul un petit nombre d’espèces arrive à s’adapter à la fois à l’augmentation des produits phytosanitaires et à la simplification du paysage. Les insecticides ont un impact direct sur les populations d’invertébrés dont les vers de terre, les papillons, les arthropodes épigéiques. Indirectement, en diminuant les ressources en insectes et en altérant le microclimat, les insecticides diminuent les populations d’invertébrés, d’oiseaux et de mammifères. La pollution des milieux aquatiques, qui résulte du lessivage des produits chimiques, est également responsable de la disparition d’invertébrés.
D’autre part, la France est l’un des plus gros consommateurs d’engrais azotés en Europe (78 kg d’azote par hectare en 2015-2016, contre une moyenne européenne de 66 kg/ha, 44 kg/ha de surplus d’azote en 2014). La moitié des apports fuient par volatilisation ou lixiviation, ce qui est source de pollution de l’eau et de l’air. En agriculture biologique, les fuites d’azote ne sont pas exclues mais sont estimées entre 35 et 65 % plus faibles qu’en agriculture conventionnelle. De la même façon que pour les pesticides, les engrais azotés ont des impacts négatifs sur la biodiversité aquatique.
En l’absence d’engrais de synthèse, l’agriculture biologique recourt donc principalement à l’utilisation de matière organique, qui a un impact bénéfique sur l’activité biologique du sol. Une grande quantité d’invertébrés (vers de terre, carabes, microbes) se nourrissent des résidus non dégradés. Une autre possibilité de fertilisation repose sur l’introduction de légumineuses dans les rotations qui favorise la biodiversité en offrant des abris et des ressources alimentaires plus variées et continues.

Modifier les pratiques
Le cahier des charges de l’agriculture biologique induit une modification des pratiques en s’appuyant davantage sur les services écosystémiques. Ainsi, en l’absence de pesticides de synthèse, il est fondamental pour les agriculteurs de respecter un équilibre dans la faune qui permet de lutter naturellement contre les ravageurs des cultures. De plus, la recherche d’autonomie et d’une valorisation supplémentaire de la production agricole conduit à faire des choix plus favorables à la biodiversité. Ces pratiques, bien que non spécifiques à l’agriculture biologique, s’alignent sur ses grands principes et sont plus fréquentes chez les agriculteurs biologiques. Elles répondent également bien souvent à des motivations éthiques des agriculteurs.
Afin de mieux gérer les adventices et la fertilité des sols, les agriculteurs biologiques ont recours à des rotations plus longues et diversifiées ainsi qu’à l’introduction de légumineuses et de prairies de longue durée dans les rotations. Ces pratiques permettent de développer un habitat plus diversifié et favorisent ainsi des populations diverses en fournissant couvert et gîte à différents organismes, notamment les papillons non ravageurs.
Haies, mares, bandes enherbées sont plus présentes sur les fermes labellisées. Ces infrastructures, ainsi qu’une gestion favorable des zones non cultivées et des bordures, augmentent notoirement les auxiliaires de cultures sur lesquels les agriculteurs doivent s’appuyer pour lutter contre les ravageurs. Les bandes enherbées servent de refuges aux auxiliaires et attirent les pollinisateurs, rendant des services écosystémiques aux agriculteurs.
Les agriculteurs biologiques ont été les pionniers dans la recherche de semences ou de races adaptées à leurs pratiques. L’absence d’offre de variétés adaptées aux pratiques de l’agriculture biologique les a conduits à se tourner vers les semences paysannes et les races locales. En retrouvant des variétés oubliées, ils augmentent la biodiversité cultivée.
Cette augmentation a également un impact sur la biodiversité sauvage, soit par la libération de plus grandes quantités de pollen, soit par l’augmentation de la diversité des microbiotes (qui peuvent nourrir plus d’organismes du sol).

Des pistes de progrès
Des pistes de progrès persistent toutefois en bio. L’utilisation répétée de produits phytosanitaires d’origine naturelle autorisés peut notamment poser question. Le désherbage chimique est interdit sur les parcelles bio, ce qui limite les pertes de biodiversité. Cependant, la gestion des adventices peut passer par un désherbage mécanique répété à intervalles réguliers, qui peut avoir des effets perturbateurs sur la faune du sol. Il peut entraîner la mortalité des œufs ou des poussins des espèces nichant au sol. Une manière d’éviter cela est de prévoir les nichées dans le calendrier ou de contourner les nids.
Enfin, le travail du sol a un effet controversé. L’apport fréquent de matière organique a un impact favorable sur les populations de vers de terre grâce à une stimulation de l’activité biologique du sol. Cependant, un labour trop profond et trop fréquent pour gérer les mauvaises herbes a un impact négatif sur les arthropodes du sol (comme les collemboles ou les carabes) et sur les vers de terre. En revanche, un travail du sol réduit augmente la biodiversité, d’autant plus en l’absence d’utilisation d’herbicides pour détruire les couverts.
Un idéal possible se situe donc dans l’absence de labour et d’herbicides, ce qu’agriculteurs et chercheurs s’attellent à mettre au point, pour relever le défi majeur des années à venir qui permettra de combiner ACS (agriculture de conservation des sols) et AB.

Contact : Ludivine Mignot, conseillère bio chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques
Tél. : 06 24 44 00 27