Le désherbage mécanique précoce : efficace mais délicat

Il est incontournable de cumuler les leviers agronomiques pour assurer une gestion optimale des adventices à savoir, un décalage de date de semis, la mise en place de rotation, l’alternance de cultures d’été et d’hiver, un travail mécanique de déstockage (labour, faux-semis). En cas de pression importante de graminées (ray-grass, vulpin…), il est préférable d’éviter les préparations de sol trop fines suivies d’un roulage, qui favorisent leur germination. Le désherbage mécanique précoce des céréales à paille a toutefois un intérêt comme le montrent les essais faits dans le nord de la région.

Passage “à l’aveugle”
La technique du désherbage mécanique précoce consiste à réaliser un passage de herse étrille ou de houe rotative entre le semis et la levée de la culture. Ce passage “à l’aveugle”, couramment réalisé sur les cultures de printemps, est maintenant de plus en plus pratiqué sur les céréales d’hiver. Son objectif est de supprimer les premières levées d’adventices très tôt, au stade “fil blanc” (avant l’apparition des premières feuilles).
Ce passage est efficace mais très délicat à réaliser : il doit s’anticiper. Pour le permettre, il faut éviter les parcelles avec des débris végétaux grossiers (tournesol ou maïs broyés grossièrement), semer à au moins 3 cm de profondeur, augmenter de 10 % la densité de semis classique (densité de semis de l’ordre de 400 g/m² en blé tendre d’hiver), viser un sol ressuyé le jour du passage, puis un temps séchant pendant les 3 jours qui suivent le passage. Et enfin, il faudra bien vérifier le degré de germination de la céréale avant le désherbage. L’objectif est de passer quand le grain est juste germé.
Avant le passage, vérifier en surface s’il y a développement d’adventices au stade “fils blancs” dans les 2 premiers centimètres. Positionner le passage 80 degrés-jours après le semis (germination du blé engagée, mais germe peu allongé donc non cassé par le passage d’outil). Les degrés jours reflètent la quantité de chaleur accumulée et donc la vitesse de développement de la plante. Pour les céréales à paille, la formule permettant de calculer le nombre de degrés jours accumulés depuis le semis est la somme de degrés jour de chaque jour en additionnant la température maximum à la température minimum de la journée et en divisant par deux.
Par exemple pour le 3 décembre à Pau, il a fait entre 3 et 12 degrés, les degrés jours accumulés sur la journée sont donc de (3+12)/2 = 7,5 degrés jours. Il faudra ajouter les degrés jours depuis le semis jusqu’à atteindre 80 degrés-jours pour envisager le passage précoce de herse étrille sur céréales. En Nouvelle- Aquitaine, le nombre de jours nécessaires au mois de novembre pour atteindre 80 degrés jours varie entre 8 et 12 jours (moyenne sur les 20 dernières années). À noter, si le sol est humide, il faut en moyenne un cumul de 30 degrés pour que le blé germe, soit 2,5 jours à 12 °C.
La profondeur de travail sera de 1 à 2 cm, les dents de la herse étrille peuvent être assez droites, il ne faut surtout pas qu’elles passent dans le lit de semences car les grains sont fragiles à ce stade. Cela impose donc un lit de semence régulier. La vitesse est à adapter en fonction des débris végétaux de 6 à 10 km/h. Et le réglage du 3e point doit être scrupuleusement vérifié. Il faut notamment que la profondeur de travail de la première et de la dernière rangée de dents soit identique. Il est recommandé de faire un essai sur environ 10 m, descendre du tracteur et observer l’effet du passage sur la culture. Effectuer les ajustements nécessaires en modifiant un seul paramètre à la fois (vitesse, angle des dents…). Le temps passé à régler la herse étrille est largement compensé par la meilleure efficacité obtenue ! 
En 2018, 2019 et 2021, cette technique de désherbage précoce a été testée sur 70 parcelles de céréales d’automne dans le nord de la région (correspondant au territoire de l’ancienne région Poitou-Charentes) et en Dordogne, sur des types de sols variés : argilo calcaire, argileux et limoneux.

Des effets variables
Dans chaque parcelle, ont été comparées une zone sans passage à l’aveugle (témoin) et une zone avec passage à l’aveugle. Les adventices présentes dans ces 2 zones ont été comptées et identifiées en sortie d’hiver et avant récolte. Dans 60 % des situations, le passage de désherbage précoce est réellement efficace. Pour 28 des 70 parcelles suivies, le passage de désherbage précoce a eu un effet nul ou négatif. Les principales causes supposées de ces inefficacités sont une pression peu importante initialement (moins de 20 adventices/m²) et l’on soupçonne que le passage d’outil ait provoqué plus de levées qu’il n’a détruit d’adventices. 
De plus, on suppose également une forte présence d’adventices à levées échelonnées, qui ont poussé plus tardivement de manière préférentielle derrière le passage de herse étrille qui a affiné le lit de semences.
Les techniciens ont aussi noté des effets variables en fonction du type d’adventice. Pour les parcelles du réseau, le passage de désherbage à l’aveugle est particulièrement efficace sur les dicotylédones (véroniques, coquelicots et stellaires). Une bonne efficacité est également observée sur ray-grass (- 50 %), et généralement sur folles avoines, ainsi que sur vulpins et pâturins. En revanche, l’efficacité sur les sanves et gaillets gratterons est nulle. Et la herse étrille est inefficace sur vivaces (rumex, chardons…).
Pour évaluer soi-même l’intérêt du désherbage précoce sur le salissement d’une parcelle, on peut laisser un témoin sur 50 mètres d’avancement, sur la largeur de travail de l’outil (et en dehors des bordures de la par-celle !)… « Et prévenez-nous pour que nous venions faire des comptages d’adventices ! »

Retrouvez plus de détails de cette étude sur le bulletin technique grandes cultures bio numéro 15 joint.

Contact : Ludivine Mignot,  conseillère bio Chambre d’agriculture 64, l.mignot@pa.chambagri.fr