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Les besoins en fertilisants organiques pour le bio

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Une étude a quantifié les tendances d’évolution des ressources et des besoins pour l’agriculture biologique. Les résultats sont intéressants même si les données sont à prendre avec prudence.

Une étude a été menée sur demande du ministère de l’Agriculture par AND inter-nationale pour estimer les besoins actuels et futurs de l’agriculture biologique en fertilisants organiques. L’objectif de l’étude était de fournir au ministère une vision claire et quantifiée des tendances d’évolution des ressources et des besoins, mettant en évidence d’éventuelles pénuries qui pourraient freiner l’essor de l’AB.
Il n’a pas été tenu compte d’éventuelles consommations de matières fertilisantes bio par les conventionnels comme nous avons pu le constater suite à la hausse des engrais de synthèse connue cette année. Toutefois, les résultats sont intéressants même si les données sont à considérer avec prudence compte tenu des hypothèses nécessaires à leur évaluation et aux limites de l’approche simplifiée.

Identification des besoins
Pour réaliser leurs études, les auteurs ont choisi une approche simplifiée du bilan de fertilisation avec la volonté de maintenir le niveau de fertilité des sols en répondant aux besoins nutritionnels des plantes, et ce à partir du bilan Comifer. Pour chaque culture, ils ont identifié les besoins en NPK en fonction des régions pour cartographier les besoins en éléments nutritifs. Puis, ils ont inventorié les gisements de matières organiques fertilisantes utilisables en agriculture biologique qui sont au nombre de 47 et ils ont fait une analyse quantitative et cartographique du gisement utilisable en AB en éléments NPK. Ils ont ainsi pu faire un bilan de fertilisation à l’échelle de la France.
Il en ressort que si l’on tient compte de l’azote total contenu dans le gisement de matières fertilisantes organiques utilisables en agriculture biologique (MAFOR UAB), alors le bilan de fertilisation est en excès de 499 000 t. Au contraire, si l’on ne considère que les apports d’azote efficace (en incluant les arrières-effets), alors le bilan de fertilisation varie entre - 23 000 t dans les conditions les moins bonnes et + 83 000 t dans des conditions de gestion optimales. Pour mémoire, les coefficients d’efficacité de l’azote dépendent de multiples paramètres tels que la température, l’humidité, la culture réceptrice, le type de sol, la période d’épandage, le matériel utilisé et le délai d’enfouissement… Les MAFOR mobilisables UAB pourraient ainsi couvrir entre 90 % à 150 % des besoins nets en azote efficace des cultures conduites en AB en France.
En phosphore, les volumes de MAFOR UAB et mobilisables permettent de couvrir théoriquement la totalité des besoins de phosphore des cultures biologiques avec un excès de 274 000 t. Le gisement de phosphore équivalent engrais contenu dans les MAFOR UAB pourraient ainsi apporter près de 4,2 fois les besoins des surfaces bio actuelles.
En potassium, la situation est semblable à celle du phosphore avec un excès potentiel de 918 000 t équivalent engrais. Cela permettrait de couvrir jusqu’à 3,5 fois les besoins de la sole cultivée en AB en 2020.
Afin de mesurer l’autonomie du système AB, ils ont décliné un second bilan de fertilisation ne retenant comme MAFOR UAB que les seuls effluents issus d’élevages biologiques. D’après leurs estimations, le bilan de fertilisation serait largement déficitaire pour chaque élément considéré, ce qui n’est pas surprenant puisqu’en AB, la gestion de la fertilisation se fait principalement par les rotations avec une présence importante de légumineuses dans les assolements que ce soit en culture principale ou en engrais vert.
L’analyse des bilans de fertilisation met en lumière la fragilité en apparence d’un développement des filières végétales biologiques au sein des régions où l’élevage, biologique ou conventionnel, demeure limité et plus particulièrement concernant la disponibilité de l’azote. C’est le cas de régions majeures dans le développement de l’AB en France comme l’Occitanie, la Bourgogne Franche-Comté, l’Auvergne-Rhône-Alpes et PACA. Des trois éléments nutritifs étudiés, l’azote est de loin le plus limitant en apparence.
L’exercice d’évaluation du gisement UAB et des besoins en NPK des cultures conduites en AB demeure un exercice exploratoire et théorique. En effet, seule une partie des MAFOR mobilisables et UAB est aujourd’hui valorisée sur des terres biologiques. La situation théorique d’équilibre voire d’excès présentée ci-dessus serait donc plus dégradée dans la réalité. Or les rendements observés de certaines productions (céréales notamment) attestent d’une couverture des besoins.

Quatre scénarios
Les auteurs ont ensuite imaginé quatre scénarios de développement de l’agriculture biologique pour vérifier si les gisements suffisaient à couvrir la demande (consulter l’étude pour les résultats). Ils ont identifié les variables clefs agissant sur le système MAFOR UAB et impactant l’évolution de la disponibilité en éléments NPK à l’avenir mais également dans les pratiques actuelles d’où l’intérêt de les assimiler. Les facteurs influençant la disponibilité en MAFOR UAB sont la taille des surfaces conduites en bio, la part de légumineuses dans l’assolement bio, l’évolution des effectifs d’animaux d’élevage conventionnel et biologique, la part des effluents UAB suite à l’évolution réglementaire limitant l’usage des élevages intensifs, l’évolution de la méthanisation en tonne de matière brute et des digestats UAB et la part de biodéchets valorisés comme fertilisants UAB.
Tous ces éléments sont autant de pistes — limitant ou améliorant la disponibilité de matière agricole fertilisante d’origine organique — qu’il faut avoir à l’esprit pour entretenir dès aujourd’hui le potentiel de fertilisation de l’agriculture biologique.

Contact : Ludivine Mignot,  conseillère bio Chambre d’agriculture 64, l.mignot@pa.chambagri.fr