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Les intérêts du teff et des sorghos multi-coupes

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Ces deux graminées, peu sensibles aux stress thermique et hydrique, peuvent être implantées en période sèche.

Plusieurs graminées estivales, peu sensibles aux stress thermique et hydrique et à gérer comme des prairies, peuvent être considérées comme roue de secours lors d’années sèches, avec leurs intérêts respectifs. Zoom sur deux d’entre elles : le teff (ou teff grass) et les sorghos multi-coupes.

Le teff (ou teff grass ; Eragrostis tef)
De bonne valeur alimentaire au stade feuillu, le teff est apprécié par le bétail ; il perd cependant de son appétence (pour les brebis en particulier) et de sa valeur dès qu’il a épié, ce qui arrive assez vite au vu de son cycle de végétation. S’adaptant à tous types de sols et valorisant très bien l’irrigation, il s’associe bien à des trèfles annuels, type Alexandrie (TA) ou/et Perse (TP). La principale difficulté d’utilisation de cette espèce tient à la taille de ses graines, minuscules, ce qui rend délicat le semis et complique aussi la culture en mélange : des plateformes régionales d’essais n’ont ainsi pas montré de réussite de ces associations, possiblement cependant par manque d’expérience et de technicité pour leur mise en place.
L’implantation du teff est donc délicate ; le semis est à réaliser impérativement sur sol suffisamment réchauffé (13 voire 15 °C), préparé finement (la graine doit être posée en surface ; semis direct à proscrire), avec rappui soigné (avant et après pose des graines). Des semences enrobées sont disponibles, pour faciliter le semis : à 10 kg/ha, en pur ou si associé à 10 kg/ha de TA (dose totale alors à 20 kg/ha). Avec des graines non enrobées, le teff se sème à 5 kg/ha.
Les plateformes régionales ont montré que le teff était vraiment intéressant face aux graminées estivales habituelles : le rendement a été assez constant entre les sites, avec une bonne valorisation des précipitations estivales et des apports azotés : un apport de 50 uN/ha par temps sec après une première coupe a notamment été bien valorisé par le teff, contrairement à d’autres espèces comme les sorghos multi-coupes.
D’autres essais (région Centre) ont montré une première utilisation possible environ 60 jours après le semis, et autour de 35 jours de repousse pour les coupes suivantes, avec de même une valorisation régulière (par les différentes coupes) des précipitations reçues. Le semencier Barenbrug indique une première utilisation possible après 45 jours et ensuite tous les mois.
Le teff pourra s’utiliser jusque tard en saison ; des essais dans la région de Montauban ont montré qu’il faisait encore 10 à 15 cm de hau-teur de végétation à mi-novembre 2020, alors que les moha/sorghos à côté avaient gelé…

Les sorghos multi-coupes
Les sorghos multi-coupes sont une autre possibilité de culture estivale ; ils sont plus vigoureux au démarrage que le teff, ce qui permet, au besoin, une implantation en sursemis/semis direct. Leur court cycle de végétation autorise rapidement (2 mois après semis) une utilisation fourragère polyvalente (pâture, affouragement, ensilage, enrubannage, foin), avec un bon potentiel de rendement et de repousse : jusqu’à 8 à 12 tMS/ha, selon le nombre d’utilisations. Avec un zéro de végétation plus élevé que celui du maïs (respectivement à 10-12 °C et 6 °C) et du teff, ils commenceront cependant à jaunir plus rapidement, en fin de saison. Il existe deux grands types de sorghos multi-coupes : les Sudan grass et les hybrides, les différences tenant principalement à la précocité, à la finesse et au volume du fourrage produit. Ces deux types sont réputés appétents, avec une valeur alimentaire équivalente à celle d’une fétuque élevée à fin épiaison/début floraison. Utiliser une variété PPS (photo période sensible) qui, parce qu’elle n’épiera pas, passera moins vite, ou/et BMR (Brown middle rib, moins ligneux donc plus digeste, avec effet bénéfique sur la valeur énergétique) permettra de la maximiser. Nouvelle venue sur le marché des fourragères estivales, cette graminée originaire d’Éthiopie, à cycle très court (première utilisation possible dès 45 jours après semis, ensuite tous les mois ; l’espèce est remontante, donc monte à graines à chaque cycle de végétation), est productive et d’usage polyvalent : pâture (à partir de la deuxième, voire troisième pousse seulement, son enracinement étant encore trop superficiel pour la première) ou stock. Son gros atout tient au fait que, de toutes les espèces estivales, c’est probablement la plus facile à sécher ; on peut avec elle envisager des stocks secs, sans besoin d’enrubanner.
Le bémol des sorghos multi-coupes est leur toxicité en vert, pour des questions de teneurs en un précurseur de l’acide cyanhydrique. Ce fait impose le respect, pour chaque cycle de pâture, d’une hauteur minimum de végétation avant introduction du bétail sur la parcelle : les Sudan grass ne peuvent être pâturés avant 40-50 cm, les hybrides demandant plutôt d’attendre 50-60 cm (voire 80 cm pour certaines varié-tés : bien vérifier ce point avant utilisation directe par pâture).
Cette toxicité en vert n’est plus un souci avec des fauches, que ce soit pour le stock ou si un doute subsiste quant à l’innocuité d’une valorisation directe par les animaux. Dans ce cas, il importe de ne pas y mettre le bétail en milieu de journée et/ou de couper le sorgho 24 heures au préalable, le préfanage diminuant le risque. Une « complémentation avec une nourriture riche en amidon qui diminue la vitesse de formation de l’acide dans le rumen » (source Barenbrug) est aussi une précaution qui peut être prise.
Idéalement, les sorghos multi-coupes sont à valoriser avant que leur hauteur n’atteigne 100 à 120 cm, le stade épiaison marquant, comme pour toutes les graminées, une chute de la valeur alimentaire. Le pâturage au fil avant (avec un fil arrière pour éviter le pâturage des jeunes repousses si le temps de séjour doit dépasser 2-3 jours) est recommandé et le front d’avancement doit être rapide. Au-delà de 120 cm, les refus seront importants. Ces derniers (ou les excédents non pâturés) peuvent être fauchés et distribués en vert, ou enrubannés après 2-3 jours de préfanage.
Plus difficiles à faner (ou moins faciles ; surtout vrai pour les hybrides) que des graminées plus classiques, les sorghos multi-coupes sont à faucher, si possible avec une conditionneuse, en laissant un talon de 10 cm afin de faciliter la repousse. Ils sont de fait couramment stockés sous forme humide : ensilage ou enrubannage (et dans ce cas, pour gagner quelques points de séchage, il peut être utile de bouger les andains).

Fertilisation des dérobées estivales ?
Un apport modéré (environ 50 uN/ha) est possible, quelle que soit l’espèce, au semis ; sans apport, le niveau de production de la dérobée sera fonction des reliquats de la culture précédente (et ultérieurement de la minéralisation automnale).
Des essais réalisés en 2020 par Arvalis à la ferme expérimentale des Bordes (36), pour évaluer l’intérêt d’une fertilisation azotée sur des dérobées estivales, ont montré ceci (observations pour une fertilisation à 50 uN/ ha, effectuée une douzaine de jours après le semis fait fin mai ; précédent prairie, en sol sablo-limoneux ; pluviométrie et températures sur le mois de juin ayant permis une bonne implantation générale) : la tendance, pour la plupart de ces dérobées (sur un seul été, sec) a été à une non-valorisation de la fertilisation azotée. Concernant les deux dérobées dont il est question ici, le teff a montré un gain de rendement (autour de 10 % pour les deux modalités de l’essai), contrairement aux sorghos multi-coupes. Ces observations corroborent celles des essais chambres d’agriculture en Nouvelle-Aquitaine, où de plus, sur 2 ans, la palme de la régularité (et de la productivité) revient aux sorghos.

En conclusion
En complément d’autres espèces comme les millets et mohas (moins appétentes à la pâture) voire, dans une moindre mesure toutefois, l’avoine rude, le teff et les sorghos multi-coupes peuvent être une solution à envisager, si besoin de stock ou/et de pâture estivale en conditions séchantes.
Ils peuvent aussi permettre, dans un souci de lutte contre le salissement de prairies qui seraient souffreteuses (cf. succession d’épisodes à contraintes fortes depuis quelques saisons), de refaire ces dernières à l’automne tout en assurant, rapidement, un complément fourrager de bonne valeur.
La réussite d’une éventuelle implantation tiendra cependant impérativement au respect de leurs besoins : sol suffisamment réchauffé, avec humidité résiduelle nécessaire à une bonne levée.
En pur, ces deux espèces peuvent être déclarées à la PAC respectivement sous les codes SOG et CAG, avec l’attribut 002 : récolte plante entière. Associées à une ou des légumineuses annuelles, le code CPL pourra être utilisé, là aussi avec l’attribut 002.

Contact : Marie-Claude Mareaux Conseillère Herbe et Fourrages à la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques