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Les leviers pour pérenniser une installation en bio

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La Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques a participé au Casdar microferme maraîchères biologiques commencé en 2018. La restitution a été dévoilée au mois de juin.

Les facteurs de réussite et de risque en installation et dans la conduite d’une microferme maraîchère bio sont une partie de la restitution finale, qui a eu lieu en juin 2023, du Casdar commencé en 2018 et auquel a participé la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques en étudiant 2 fermes du département. L’enjeu du projet était de comprendre les facteurs de réussite et de risque en maraîchage biologique sur des fermes de petite taille. En France, 51,6 % des exploitations maraîchères font moins de 1 ha en 2019. Avec un fort engouement pour ce type d’installation ces dernières années, force est de constater que seuls 69 % se maintiennent au-delà de 6 ans d’activité.
Les partenaires du projet porté par l’Institut technique de l’agriculture biologique ont eu à cœur de comprendre les facteurs de réussite, de viabilité et de vivabilité des systèmes maraîchers. Leur enquête a porté sur 38 fermes.

La formation, facteur de réussite
Le premier facteur de réussite ou de risque concerne la formation et l’expérience. Afin de bien définir son projet, il est recommandé d’alimenter sa réflexion en amont et de multiplier les stages et expériences professionnelles, de faire du woofing, de visiter plusieurs exploitations afin de voir différents systèmes maraîchers (N.D.L.R. : mono ou multi-ateliers, de tailles différentes ou plus ou moins mécanisés). La formation doit permettre ensuite d’acquérir les fondamentaux de la conduite technique et de la gestion d’une ferme. Il est préconisé de préparer un BPREA qui offre la capacité agricole et permet l’accès à certaines aides (DJA, aides à l’investissement…). 
Pour appréhender une année entière de production et se confronter au climat et à la quantité de travail très variable selon les saisons, il est conseillé de suivre des stages longs. Des fermes tests, comme Trebatu en Pays basque, ou la SAS Graines en Béarn, proposent des dispositifs de compagnonnage. L’objectif de ces lieux est d’infirmer ou confirmer l’idée du projet, de monter en compétences techniques et de développer sa capacité à gérer une entreprise et à organiser l’activité agricole.
Après la formation, et juste avant l’installation, il est recommandé de se donner le temps et les moyens de multiplier les expériences aussi longues et diversifiées que possible. Salariat, woofing, service de remplacement, parrainage sont autant d’alternatives possibles pour expérimenter plusieurs niveaux de responsabilité (ouvrier, technicien, chef de culture) ou compétences non agricoles (manager, mécanique, bricolage, gestion et comptabilité…)
Ce passage devrait permettre d’identifier les forces et les faiblesses, de prévoir comment les compenser ou les déléguer.
Après l’installation, il ne faut pas négliger de se former tout au long de sa carrière en se documentant, en profitant de formations courtes proposées par les réseaux locaux, ou des temps de partage entre pairs. L’enjeu est de diversifier ses sources d’information, de prendre du recul et de toujours contextualiser et reprojeter sur son propre environnement.

Connaître ses motivations
Passer de l’idée à la concrétisation implique de bien connaître ses motivations, ses besoins et avoir une vision de son projet. Quels ateliers, quelle gamme de légumes, quels volumes envisager ? Quelles sont les compétences et capacités nécessaires ? Sur quelles surfaces ? Avec quelle autonomie ou besoins de déléguer des prestations ? Quel temps de travail au regard de sa vie personnelle et à quel endroit ? Tous ces paramètres doivent bien sûr être cohérents entre eux.
La recherche de foncier est possible essentiellement par les réseaux personnels et avec l’appui de structures adéquates (Répertoire départ installation, terre de liens, Safer…) et amènera à se positionner sur le type de faire-valoir (location ou achat, durée de bail, précarité des terres…).
La mise en œuvre du projet consiste à faire face à la réalité et nécessite d’être capable de remettre en cause ses idéaux, ses principes et leurs implications. L’objet est d’être réaliste du point de vue de l’organisation, de la fonctionnalité de l’installation, du temps de travail, de l’investissement matériel et humain, de l’imbrication entre vie personnelle et professionnelle et des risques (santé, financiers, difficultés techniques) que cela entraîne. Les agriculteurs rencontrés préconisent également de ne pas s’isoler mais de s’intégrer dans un tissu sociopro-fessionnel riche et divers auprès des autres agriculteurs, des acteurs du conseil et de l’accompagnement, des centres de gestion, des fournisseurs, des circuits commerciaux et des réseaux d’entraide pour l’échange de matériel ou de services (équipement, main-d’œuvre, approvisionnements…). Concernant les investissements, il est nécessaire de se doter d’un outil de production opérationnel et efficace sans que la charge de la dette n’entame trop le revenu disponible. Un juste milieu doit être trouvé tout en gardant des marges financières pour faire évoluer son système dans les années à venir. Des règles d’urbanisme locales, les réseaux d’électricité et d’eau d’irrigation peuvent parfois contraindre leur installation.

Pas d’économies sur l’ergonomie
L’ergonomie ne doit pas faire l’objet d’économies tant pour l’agriculteur que pour les salariés. Elle doit être réfléchie sur les questions d’accessibilité et de circulation sur la ferme comme sur les abris qui doivent être proportionnés à la gamme à produire. Les locaux et équipements de nettoyage, de préparation et de conditionnement doivent être organisés pour limiter la fatigue physique et les douleurs corporelles au maximum. Les agroéquipements doivent permettre de gagner en temps et en confort de travail sans tomber dans les investissements gadgets. La commercialisation doit trouver un équilibre entre circuit fort et circuit diversifié en tenant compte du chiffre d’affaires par rapport au temps consacré à la commercialisation. Les temps de trajet doivent être rationalisés. La stratégie commerciale doit être cohérente avec le système de production et les investissements. Le projet nécessite d’intégrer la gestion des surplus et invendus tout comme l’achat/revente qui est envisageable et peut aider mais nécessite d’être transparent auprès de la clientèle.
Planifier, piloter et organiser sont les trois mots-clés pour lever la tête du guidon. Prévoir quoi faire « où et quand » est indispensable. Il est nécessaire d’anticiper les pics de travail pour moins les subir et limiter la charge mentale avec l’affichage des tâches (opérations culturales, semences, ventes…). La question du coût par rapport au bénéfice (physique, mental, économique) doit toujours rester à l’esprit. Un bilan objectif de l’année qui tient compte des échecs de culture aidera à la décision. Le tout sans se noyer dans des relevés trop lourds qui seraient trop chronophages. Les santés physique et mentale sont primordiales pour durer dans le métier. L’organisation de la ferme doit être rationnelle pour limiter les déplacements et standardiser (largeur et longueur de planches pour simplifier le travail, le matériel et la planification), avoir des voies de circulation carrossables en permanence, des plateformes de mêmes hauteurs (chargement de véhicules, préparation des paniers…). Il faut limiter le port de charges et donc s’équiper en chariots, diables… Alterner les tâches limitera la fatigue tant physique que mentale.
Les facteurs de risque peuvent être multiples mais les adaptations aussi : elles doivent être intégrées dès le début du projet. Connaître ses propres limites en les testant est un atout majeur pour organiser au mieux son exploitation.

De nombreux autres conseils et résultats de ce Casdar, sont consultables sur https://www.itab.asso.fr//index.php

Contact : Ludivine Mignot,  Chargée de mission agriculture biologique à la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques, l.mignot@pa.chambagri.fr

 

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