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Les produits de biocontrôle avancent grâce à la bio

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Les produits de biocontrôle visent à maintenir les agresseurs sous un seuil de nuisibilité. Excepté les macro-organismes, ils sont soumis à une autorisation de mise en marché.

La dernière émission Cash Investigation a mis en avant les produits de biocontrôle utilisés en agriculture biologique. Mais qu’est-ce qu’un produit de biocontrôle ? En premier lieu, tous les produits de biocontrôle ne sont pas utilisables en AB et tous les produits utilisables en agriculture biologique ne sont pas des produits de biocontrôle. Ces produits ne visent généralement pas l’éradication mais le maintien des agresseurs sous un seuil de nuisibilité.
Les produits de biocontrôle bénéficient d’une définition inscrite au Code rural suite à la loi d’avenir de 2014. Il s’agit « des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ». Ils sont classés en quatre catégories : macro-organismes, micro-organismes, médiateurs chimiques et substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale.
Hormis les macro-organismes, ils nécessitent une autorisation de mise en marché. Une liste est établie et la dernière parue le 22 décembre 2022 indique que 74 % des produits sont utilisables en bio (511/693). 100 % des macro et micro-organismes et des médiateurs chimiques, 66 % de ceux avec des substances naturelles et 33 % des pièges à insectes.

Préparations naturelles
La loi d’avenir agricole, quant à elle, définit les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP). Il s’agit de préparation obtenue par un procédé accessible à tout utilisateur final et composée exclusivement soit de substances naturelles à usage de biostimulant (SNUB) dépendant de la norme MFSC (matière fertilisante et support de culture), soit de substance de base (SB) qui sont reconnues au niveau européen en protection des cultures. Elles sont définies comme « des substances principalement non utilisées comme des produits phytopharmaceutiques mais utiles pour la protection des végétaux et dont l’intérêt économique pour faire approuver ces substances peut-être limité ». Parmi les substances de base, 24 sont approuvées par l’union européenne. À noter que 19 ont été obtenues par l’ITAB (Institut Technique de l’Agriculture Biologique).
Pour les SNUB, celles issues de parties consommables de plantes utilisées en alimentation humaine ou animale peuvent être utilisées comme PNPP depuis 2021. Au total, près de 1 300 plantes sont concernées. Pour les autres substances non alimentaires, un dossier doit être déposé auprès de l’ANSES. Par exemple, le 23 décembre 2022 suite à des demandes déposées par l’ITAB, la prêle des champs et le saule ont été inscrits en tant que SNUB. Les dossiers de la menthe des champs et de la léonardite sont en cours. De nouveaux dossiers sont régulièrement déposés. 
L’IBMA (International Biocontrol Manufacturers Association) a mené une enquête interne auprès des adhérents IBMA France à laquelle 17 entreprises, soit 42 % des adhérents, ont répondu. Sur les produits formulés, 45 étaient en développement dont 14 en cours d’évaluation et donc susceptibles d’être autorisés en 2024. Les 31 autres produits sont espérés en 2027.

Substances actives à l’étude
Concernant de nouvelles substances actives, 22 sont à l’étude et pourraient également sortir d’ici 2024. L’enquête IBMA permet de montrer qu’un vrai travail est enclenché sur ce type de substance.
Toutefois, la vigilance est de mise. Réglementairement, quand une firme dépose au niveau européen un dossier d’homologation pour une matière active, celle-ci pourrait perdre son caractère de substance de base et donc sa capacité d’être utilisée par tous en étant privatisée alors que leur homologation est montée sur fonds publics. C’est le cas en ce moment avec le bicarbonate de soude. Les États membres doivent rester vigilants pour que les substances de base ne disparaissent pas et qu’un usage n’en ferme pas un autre.

Usage très modéré
Concernant leur usage en légumes par exemple, un panorama des usages des produits de biocontrôle a été réalisé de 2018 à 2021 auprès des producteurs du réseau Déphy cultures légumières avec itinéraire de plein champ et sous abri. En bio sur les 1 152 itinéraires culturaux étudiés, 622 soit seulement un peu plus de la moitié ont eu recours à un produit de biocontrôle hors macro-organismes.
Les usages tournent autour de 4 produits principaux. Le phosphate ferrique contre les limaces est utilisé dans 30 % des itinéraires techniques. Le bacillus thuringiensis contre les chenilles est employé dans 20 % des itinéraires. 17 % ont recours au soufre et 7 % à l’huile essentielle d’orange douce, tous deux contre les maladies fongiques. Seuls 185 itinéraires ont vu l’usage de macro-organismes. Dans 44,7 % des cas, il s’agissait d’hyménoptères parasitoïdes contre les pucerons, suivis à 25,7 % d’acariens prédateurs contre les acariens. Les indices de fréquence de traitements relevés s’élèvent à 0,7 pour les macro-organismes. Pour les autres produits, les indices se situent à 0,9 en conventionnel contre 1,1 en bio. Cette étude révèle donc un usage très modéré de ces substances par les producteurs biologiques de légumes.

Transfert de connaissances
L’utilisation de ces substances, notamment les PNPP, nécessitent que les agriculteurs développent une connaissance importante des nuisibles et des substances agissant contre eux. Ce transfert de connaissances se fait généralement à travers des échanges entre agriculteurs encadrés ou non ou à travers des formations sur cette thématique. Les nouvelles pistes de recherche et d’homologation émanent bien souvent des producteurs eux-mêmes avec pour objectifs une validation par les centres de recherche des méthodes employées.
La mise en application des procédés nécessite quant à elle souvent une planification et une organisation au niveau de l’exploitation avec par exemple des chantiers de ramassage d’ortie et la préparation des traitements par infusion ou décoction. De même, le lâcher de prédateur, tel macrolophus, nécessite de réfléchir à un environnement favorable à celui-ci pour le maintenir présent le plus longtemps possible dans la serre en plantant par exemple des soucis en interplant ou sur les bordures.
De nombreuses entreprises orientent leurs recherches vers le biocontrole notamment devant la résistance de plus en plus fréquente des organismes nuisibles aux traitements chimiques. L’agriculture bio, précurseur dans le domaine, ne peut que se réjouir de ce virage. Toutefois, elle restera vigilante sur les produits dont elle autorisera l’utilisation en AB car leur usage n’est jamais anodin.

Contact : Ludivine Mignot,  conseillère bio Chambre d’agriculture 64, l.mignot@pa.chambagri.fr