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Lutter contre les insectes dans le stockage des céréales bio

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La présence d’insectes vivants dans les stocks représente un frein à la commercialisation des grains. Un itinéraire raisonné est à mettre en œuvre à différentes phases du stockage.

Deux types d’insectes peuvent être présents au stockage. Les insectes primaires comme les charançons et le capucin qui s’attaquent aux grains entiers et se développent à l’intérieur. Dans ce cas, seuls les adultes sont visibles rendant la lutte plus délicate car ils sont plus difficilement détectables. Et les insectes secondaires, du type silvains ou trilobium, qui peuvent se nourrir à partir de grains brisés, de brisures voire de poussière provenant des grains. Ceux-ci se développent en dehors des grains, leurs larves et leurs nymphes sont donc visibles dans un stock infesté.
En agriculture biologique, bien moins de produits curatifs sont disponibles qu’en conventionnelle, il est donc indispensable de privilégier toutes les actions préventives de lutte contre les insectes qui peuvent être rassemblées dans un itinéraire technique du stockage dont chaque étape apporte sa contribution à la maîtrise finale des insectes. Cet itinéraire est à démarrer dès la récolte pour optimiser la prévention.

Place au nettoyage
Avant la récolte, place au nettoyage des installations de stockage et des matériels de manutention et de récolte afin d’éliminer les reliquats de grains et les amas de poussières qui constituent un refuge pour les insectes et donc une source d’infestation potentielle pour la récolte suivante et qui empêchent également la bonne circulation de l’air. Lors de la récolte, bien régler les outils pour limiter au maximum les brisures, balles, pailles, impuretés. Le passage dans un nettoyeur séparateur est nécessaire pour éliminer le maximum d’impuretés qui peuvent d’une part obstruer les espaces entre les grains et ainsi réduire le passage de l’air de ventilation dans le stock, et d’autre part constituer une source de nourriture pour les insectes secondaires.
Une fois le grain stocké, le ventiler avec un matériel adapté permettant une diffusion large de l’air dans la masse de grain et évitant ainsi des passages d’air privilégiés. L’enjeu est d’abaisser la température des grains de façon progressive au fil des saisons. Trois paliers sont à atteindre : 20 °C en été, 12 °C en automne et 5 °C en hiver. À nouveau, un grain propre facilitera la circulation homogène de l’air dans le stock.
Un suivi de température est nécessaire pour vérifier l’atteinte des paliers et l’homogénéité de température dans la masse de grains. L’utilisation d’un thermostat sur le ventilateur permet d’optimiser le refroidissement du stock. Il faut savoir qu’une ventilation bien conduite a systématiquement un effet répulsif et peut même présenter un effet insecticide. En effet, les insectes ne peuvent vivre et se reproduire correctement que dans des conditions bien précises de température. Lorsque le grain n’est pas ventilé, il reste d’abord chaud avant de se réchauffer par lui-même du fait des phénomènes de respiration et de fermentation ; les insectes prolifèrent.
À l’inverse, la ventilation de refroidissement permet de limiter le développement des insectes, voire de tuer ces derniers. Le pallier visé est à 20 °C (température repère) mais il doit en fait être inférieur aux températures diurnes, car cela dissuade les insectes d’infester le stock. Le seuil de 12 °C correspond quant à lui à la température à partir de laquelle le développement du charançon est stoppé. Enfin, une température de 5 °C maintenue sur plusieurs mois est létale pour les insectes. Elle a également l’avantage de permettre aux grains de rester à moins de 12 °C lorsque les températures remontent au printemps. En réalisant ces trois paliers, le grain peut ainsi être conservé jusqu’à l’été suivant.

Poser des pièges
Afin de faire le suivi d’insectes, la pose de pièges à insectes au-dessus des stocks et leur contrôle régulier permettent de déceler précocement une présence d’insectes et de mettre en œuvre des méthodes correctives tant que l’infestation est minime.
Arvalis a largement travaillé le sujet du stockage des céréales. Il a notamment testé l’utilisation de terre de diatomées pour préserver les grains stockés des insectes avec le produit Silicosec® utilisable en bio.
En traitement des locaux, ils ont abouti aux recommandations suivantes :

  • Nettoyer les locaux de manière approfondie, appliquer la formulation de terre de diatomée Silicosec® au minimum un mois et de préférence 2 mois avant réception du grain.
  • Appliquer à l’aide d’un atomiseur compatible poudrage, n’appliquer la terre de diatomée sous forme de suspension liquide que si nécessaire (parois métalliques verticales, nécessité absolue de limiter les émissions de poussières etc.)
  • Veiller à conserver par agitation la terre de diatomée en suspension dans l’eau durant le traitement
  • Allonger la durée de traitement en cas de pulvérisation d’une suspension liquide, toujours porter une protection respiratoire adaptée, et y ajouter de préférence une protection oculaire.

À noter toutefois, la terre de diatomée n’est pas adaptée pour un traitement curatif, elle est davantage un outil de protection préventive des infestations. Elle ne doit pas être utilisée seule mais en combinaison avec d’autres mesures au sein d’une stratégie de protection précisée plus haut. Enfin, il faut garder à l’esprit que ce type de traitement reste relativement onéreux, son prix allant de 9 à 12 €/kg.
Concernant l’efficacité du traitement sur grains, l’application de Silicosec® sur l’ensemble d’un lot permet d’atteindre de très hauts niveaux de mortalité des insectes si deux conditions sont respectées le grain doit être sec (11-13 %) et le lot doit être chaud (25-30 °C). Dans ces conditions, des taux de mortalités compris entre 90 et 100 % seront atteints après 2 semaines. Cependant, après 2 semaines, en conditions plus fraîches (15 °C) la mortalité chute à environ 40 % (charançon du riz, blé à 13 % traité à 2 kg/t) et sur du blé relativement humide (14,5-15 %) elle passe à 60 % (charançon du riz, blé à 27 °C traité à 1 kg/t).
Pour sécuriser certains lots comme ceux servant de semence ou à forte valeur ajoutée, la protection Nox a montré son efficacité. Le procédé Nox (Nox Storage) consiste à conserver les grains en big bag à double couche, qui se veulent hermétiques, et d’y élever la concentration en CO2. Ces big bag forment ainsi une barrière physique empêchant l’entrée de ravageurs depuis l’extérieur. L’atmosphère enrichie en CO2 vient à terme des insectes déjà présents dans le big bag en provoquant une hypercapnie (excès de CO2) et différentes études ont montré que les principales espèces d’insectes des récoltes y sont très sensibles.
La durée d’exposition létale pour l’insecte varie selon l’espèce, son stade de développement mais également la température du milieu qui régit son activité et sa respiration. Un essai d’Arvalis a montré que les insectes adultes sont éliminés en seulement 2 jours et ce en tout point du big bag et leur descendance est totalement éradiquée en 1 à 3 semaines. Arvalis a estimé le coût du procédé entre 20 et 25 € la tonne s’il y a réutilisation du big bag 3 fois (la longueur des feuillets de remplissage et de vidange offrent la possibilité d’être soudés plusieurs fois), le coût du CO2 alimentaire étant compris, mais auquel s’ajoutent les frais de matériel pour injecter le gaz et souder les big bags (en location éventuellement) et le temps de main-d’œuvre. Ce qui amène donc à cibler les récoltes stockées avec ce procédé.
Le stockage de céréales en agriculture biologique est largement mis en œuvre par les agriculteurs. Et permet ainsi un peu plus d’autonomie dans la réponse aux marchés et d’envisager la vente de cultures aux éleveurs améliorant ainsi les marges pour les céréaliers et réduisant les coûts de production des éleveurs.

Contact : Ludivine Mignot,  conseillère bio Chambre d’agriculture 64, l.mignot@pa.chambagri.fr