Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Parcours d’une conversion en grandes cultures bio

Parcours d’une conversion en grandes cultures bio

Accéder aux flux rss de notre siteImprimer la page

Témoignage.

Pierre-Yves Baucor et sa femme ont repris l’exploitation familiale à Sauvagnon en décembre 2015 dans le cadre d’une reconversion professionnelle puisqu’il travaillait auparavant dans l’industrie automobile. L’exploitation était alors composée de 47 ha répartis entre prairie et grandes cultures avec un troupeau de 25 blondes d’Aquitaine. Les pâturages sont à Navailles-Angos en zone de coteaux et sont dédiés à l’élevage (15 ha). Les 32 ha de grandes cultures se font sur la commune de Sauvagnon. L’objectif, au moment de la reprise, est de vivre à deux sur l’exploitation avec un revenu relativement stable.
Suite au Certiphyto qu’il passe en 2015 pour reprendre l’exploitation, Pierre-Yves et sa compagne n’envisagent pas d’utiliser des produits phytosanitaires. Ils s’intéressent donc à l’agriculture biologique et rencontrent alors différents techniciens, notamment de la chambre d’agriculture et d’Euralis. Demême, ils participent à de nombreuses journées techniques Bout de champ où ils rencontrent des producteurs expérimentés en bio.

Deux outils indispensables
Le temps de la réflexion passé, la conversion toute l’exploitation y compris les bovins s’est faite à l’automne 2016. Il fait le choix de vendre toutes ses cultures à Euralis afin de pouvoir se concentrer sur la technique de production bio. Les journées d’échange avec d’autres producteurs ont été les moments les plus formateurs pour Pierre-Yves. En effet, c’est l’occasion de créer des liens avec d’autres producteurs et de pouvoir poser des questions très précises sur le matériel, la conduite, la  valorisation…
Ainsi, il a acheté une herse étrille et une bineuse, les deux outils majeurs pour les grandes cultures en bio. Les deux outils étaient en 4 rangs, mais les chantiers de désherbage du soja et du maïs de sa rotation étaient trop longs. Il est donc rapidement passé en 8 rangs pour rester compatibles avec le semoir à maïs de l’entrepreneur avec qui il travaille. Suite à une rencontre avec un autre producteur, il a équipé sa herse étrille d’un troisième point hydraulique permettant une pression homogène de toute la surface de l’outil sur le sol et ainsi de gagner en efficacité.
Les 32 ha situés à Sauvagnon se répartissent en 22 ha de grandes cultures, 7 ha de prairie destinés au stock de foin, 3 ha de luzerne. La majorité des sols cultivés sont en terre noire en plaine. Ses sols sont plus argileux sur les coteaux, il constate un écart de 4 à 5 q/ha entre plaine et coteaux. Les conduites de soja et maïs sec sont assez similaires hormis le nombre de passage de désherbage mécanique qui est plus important en soja. Il sème ces deux cultures à 80 cm d’écartement entre rang. Il travaille en labour et, cette année, il a réussi à faire deux faux semis au vibroculteur (préparation de sol comme pour un semis, opération répétée toutes les semaines) en ciblant les champs qu’il sait sale. Cela lui semble efficace. Il a semé du soja le 7 et le 26 mai. Celui du 26 a bien mieux démarré car le sol était réchauffé et les conditions plus poussantes. Il cherche à semer en terre fraîche (mais pas détrempée) avec des journées chaudes derrière pour pouvoir faire un passage de herse étrille à l’aveugle avant que le soja ne sorte.

Technique de désherbage
Il fait en général 4 passages de herse étrille et 2 binages avec une semaine d’intervalle sur le soja. Chaque binage amène un coup de boost à la culture, car cela aère le sol. Sur les passages de herse étrille, il intervient avant de voir de l’herbe ce qui est primordial pour l’efficacité du passage. Il se repère en allant voir de près les zones qui se salissent en premier. Dès qu’il voit ces zones avec des filaments ou des cotylédons, il déclenche un passage.
Il complète ses passages mécaniques par des passages manuels sur les zones difficiles à désherber avec un outil, notamment les coins et les triangles des parcelles, ou pour arracher les plantes toxiques pour l’alimentation humaine (datura, morelle, liseron…). L’objectif est de tenir le champ le plus propre possible pour éviter d’augmenter le stock de semences d’adventices pour l’année suivante. Dès que le soja fleurit, Pierre-Yves arrête les passages de herse étrille pour ne pas le stresser. Cette année, il a semé le DH 4 173 d’Euralis à 450 000 pieds/ha (10 % de plus qu’en conventionnel pour compenser les pertes liées au désherbage mécanique). Cette variété fait partie du groupe 0. Elle a des grosses feuilles qui couvrent vite le rang. Pour mémoire, dans la nomenclature du soja, plus il y a de 0 plus la variété est précoce. Dans la région, on ne sème pas de tardif (groupe 2) car l’automne est trop humide. Sur le soja, il ne met pas de fertilisant. Sur le maïs, il met 4 à 5 tonnes de fientes par hectare. Les quantités les plus courantes vont de 3 à 4 tonnes mises avant semis. Au niveau du désherbage sur maïs, généralement il fait un passage de herse étrille à l’aveugle juste après le semis avant que les plantes sortent, suivis de 3 passages de bineuse. Le premier passage est fait le plus tôt possible au stade 2 à 3 feuilles. Le dernier binage est fait avec des socs butteurs (socs fabriqués à partir de rasettes de charrue, astuce vue chez un producteur !) pour butter le maïs et étouffer l’herbe sur le rang, ce qu’il ne faut pas faire sur le soja dont les gousses sont basses.

Rendements et résultats
Sur 4 ans, son rendement moyen en soja est de 31 quintaux par hectare vendu 630 €/t en 2020 par manque de protéine contre 700 €/t en 2019. En effet, le prix du soja varie selon sa teneur en protéine qui lui permet ou non de rentrer en alimentation humaine. Plus le soja est stressé par la chaleur au moment de la floraison ou du remplissage ou des passages d’outil tardif, plus le taux de protéines sera impacté.
En maïs, il a obtenu en moyenne sur 4 ans 76 quintaux par hectare. En 2020, année noire, compte tenu des conditions climatiques très défavorables, le compteur est resté bloqué à 50 q/ha et l’a vendu 245 €/t contre 300 €/t en 2019.
Pour la luzerne, il récolte lors de journées très chaudes. Il la coupe le matin et passe la pirouette de suite. Le soir, il andaine et le séchage se fait les jours suivants en andain, régulièrement retourné. Ainsi, il arrive à garder les feuilles et le vert de la luzerne. Il presse la nuit quand il fait moins chaud.

L’œil sur la météo
Il a également fait du triticale au moment de sa conversion. En première année, il a obtenu 40 q/ ha, en deuxième année 16 q/ha et en bio 37 q/ ha. Il le valorise entre 220 et 240 €/t Pour ceux qui n’ont pas d’animaux, il recommande de faire du blé qui se conduit comme le triticale et qui est valorisé à 300 €/t en fourrager et 400 €/t en qualité meunière. Il faut le semer à 200-220 kg/ha car, ici, il ne talle pas trop avec un apport de 40 U d’azote avant semis, ce qui n’est pas nécessaire avec un précédent soja. En sortie d’hiver un apport de 80 à 100 U supplémentaires devra être fait. Le colza est également une culture d’hiver intéressante qu’il va introduire dans sa rotation cette année. Pierre-Yves et sa femme ne regrettent aucunement leur choix d’avoir converti l’exploitation. La conduite en bio est maîtrisable à condition de bien maîtriser les outils de désherbage. Il faut être vigilant sur la pousse de l’herbe et prévenir avec des passages dès que les conditions le permettent (passages qui ne sont jamais inutiles). Il faut travailler avec la météo encore plus qu’en conventionnel. Les producteurs bio ont beaucoup de liens entre eux et sont ouverts sur leurs pratiques, les portes ouvertes sont l’occasion de se créer un réseau fort de conseil et d’entraide..
 

Contact : Ludivine Mignot, conseillère bio chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques