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Réduire les émissions de GES en élevage ruminants bio

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La réalisation d’un bilan carbone, première étape pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre de son élevage

Exploitation bas carbone, label bas carbone, bilan carbone… Le nouvel enjeu majeur pour faire face au changement climatique est largement promu par l’Europe qui vise la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 55 % d’ici à 2030. Le gouvernement français a l’ambition, lui, de la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Effectivement l’agriculture française est à l’origine de 19,1 % des émissions (hors puits de carbone) en 2019, soit 83,1 millions de tonnes (Mt) d’équivalent CO2. L’essentiel des émissions est constitué de méthane (CH4 à 45 %), principalement liées à l’élevage, et de protoxyde d’azote (N2O à 42 %), principalement liées à la fertilisation des cultures. Les émissions liées à la consommation d’énergie du secteur ne représentent que 12 % du total. Les émissions de GES du secteur agricole ont diminué de 10 % entre 1990 et 2019. Cette baisse est principalement liée à la diminution de la taille du cheptel bovin (animaux moins nombreux mais plus productifs). Les progrès dans l’optimisation de la fertilisation azotée participent également à ces réductions observées sur le secteur.
Le secteur de l’élevage représente à lui seul 48 % des émissions totales de GES de l’agriculture, dont une large part est imputable à l’élevage de bovins, en raison du CH4 dont le pouvoir réchauffant est considéré comme 25 fois supérieur à celui du CO2. Mais toutes les formes d’agriculture ne se valent pas en termes d’impact face au réchauffement climatique. L’agriculture biologique présente des solutions pour atténuer les émissions de GES, notamment vis-à-vis des gaz aux pouvoirs réchauffant les plus élevés, et propose des voies d’adaptation des systèmes.

Outils de diagnostic
L’outil CAP’2ER vise à faire le bilan carbone des exploitations d’élevage, il permet de convertir les quantités des différents gaz (CH4, N2O et CO2) en une seule unité (kilo équivalent CO2), pour être additionnés entre eux. Par exemple en atelier lait, en additionnant les différents gaz, un premier résultat est obtenu : les émissions brutes de GES. Cet ensemble, ramené à la production laitière de l’atelier lait, permet de calculer l’empreinte carbone brute du lait. Mais, les sols ont la particularité d’être des milieux dits « puits de carbone » (réservoir qui stocke le carbone atmosphérique). Le stockage du carbone des sols doit donc être déduit des émissions brutes pour obtenir les émissions nettes de GES. Cette déduction du stockage carbone à l’empreinte carbone brute du lait permet d’évaluer l’empreinte carbone nette.
Les bilans carbone des exploitations sont faits lors de diagnostics, la méthode utilisée est principalement celle de CAP’2ER, la plus aboutie étant celle de niveau 2 réalisée par un conseiller. Plus de 5 000 diagnostics ont été réalisés à ce jour avec cet outil et permettent d’y voir plus clair sur la question du carbone. Ainsi, cela aide les agriculteurs à réorienter leurs pratiques pour réduire leur impact sur le changement climatique.

Chargement et productivité
Si les émissions brutes de GES entre systèmes bio et conventionnel sont équivalentes, la dernière étape d’un bilan carbone, avec le calcul de l’empreinte carbone (ramené à la productivité, c’est-à-dire au litre de lait ou au kilo de viande vive), dessert les systèmes biologiques. En effet, par leur moindre productivité, le rapport des émissions nettes au litre de lait produit ne permet pas de « diluer » ces émissions, contrairement à des systèmes plus intensifs. Toutefois, la prise en compte du stockage du carbone des sols leur permet de tirer leur épingle du jeu. En effet, les chiffres de 2021 de l’Institut de l’Élevage (Idele) montrent que si l’empreinte brute de GES est de 0,99 kg d’équivalent CO2 par an en bio (moyenne de 454 élevages), elle est de 0,97 en conventionnel (moyenne de 5 942 élevages) mais que l’empreinte nette, une fois le stockage des puits de carbone déduits, n’est plus que de 0,67 en bio contre 0,83 en conventionnel.
Mais peu importent les chiffres en tant que tels, ce qui compte c’est de comprendre ce qui impacte ces chiffres. Les principales pistes qui ressortent de façons communes aux différents élevages diagnostiqués sont le chargement animal qu’il faudra chercher à diminuer. En effet, plusieurs études ont mon-tré qu’il y a un optimum de chargement en deçà et au-delà duquel le stockage diminue. Cet optimum correspond en général à une gestion extensive, c’est-à-dire à un chargement que l’on peut estimer, dans la majorité des cas, entre 0,5 et 0,8 UGB/ha. Cependant ces chiffres peuvent varier fortement, dans un sens ou dans l’autre, selon la fertilisation et le climat. Le chargement, même s’il atteint rarement cet optimum, peut évoluer en fonction du nombre de lactation par vache, ainsi que du niveau de renouvellement et d’effectif de génisses, de l’âge au premier vêlage ou du nombre d’animaux à l’engraissement ou encore en limitant la présence d’animaux improductifs.

Gestion des pâturages
L’autonomie alimentaire et la place du pâturage dans la ration devront aller vers l’usage maximal de l’herbe issue de prairies très diversifiées. En effet, plusieurs études ont montré que les prairies ayant une flore variée séquestrent davantage de carbone que les autres, par la masse racinaire plus importante et un enracinement souvent plus profond. Or les racines contribuent fortement à la séquestration de carbone, à la fois par leur biomasse et par leurs exsudats.
Par exemple, une expérimentation a montré que sur la totalité du profil de sol (de 0 à 1 m), une prairie semée avec deux espèces séquestrait 720 kg C/ha/an, alors qu’avec 5 espèces elle en séquestrait 1 800 kg, l’essentiel de la différence provenant du stockage au-dessous de 20 cm.
De même, il a été démontré que la pratique du pâturage tournant permet de séquestrer d’avantage de carbone qu’une conduite classique sur parcelle non restreinte. L’Idele a retenu le chiffre de 570 kg de carbone(C)/ha/an, chiffre repris dans la méthodologie CAP’2ER. Cependant des estimations conduisent à des chiffres plus élevés : 500 à 1 700 kg C/ha/an selon les références. Une séquestration d’au moins 800 kg/ha/an paraît donc une estimation raisonnable pour une prairie permanente bien gérée. Si on y ajoute 70 à 150 kg/ha/an séquestrés par les haies (impact non négligeable sur la séquestration carbone mais également sur la biodiversité), fréquemment présentes dans les exploitations, on arrive à un potentiel total de plus de 900 kg C/ha/an.

Évolution des méthodes
Cette variabilité de conduite des prairies n’est pas, pour l’instant, intégrée au CAP’2ER. Le mode de calcul du bilan carbone de cette méthode pourrait évoluer sur ce point mais également en tenant compte du fait que les émissions de N2O sont surestimées, surtout en bio, car le facteur d’émission retenu est de 1 % de l‘apport d’azote, alors que selon les estimations du GIEC de 2019, il est de seulement 0,6 % pour l’azote organique. De même, un calcul du bilan carbone devrait être réalisé par hectare et devrait être comparé au calcul par litre de lait ou kilo de viande actuellement défavorable. Cet outil étant en perpétuelle amélioration, ces éléments seront certainement rapidement intégrés. Et il permet d’ores et déjà aux exploitants de cibler les points majeurs à faire évoluer dans leur système pour être plus efficients et souvent plus économes. Il en est de même sur le plan des rotations et des systèmes de grandes cultures qui ont tout un panel de levier à prendre en compte pour la réduction des GES et le stockage carbone.
La chambre d’agriculture peut réaliser un bilan carbone sur votre exploitation financé par l’Ademe dans le cadre du Plan de Relance. Cela comprend un diagnostic de gaz à effet de serre de l’exploitation réalisé par un conseiller spécialisé au moyen d’un outil adapté à la production et à la méthodologie validée au niveau national (CAP2ER, CarbonExtract…) ; une proposition de plan d’actions visant à atténuer l’empreinte carbone de l’exploitation ; une visite technique avec en option une analyse de sol suivie d’un conseil agro-pédologique. (Contact pour les Pyrénées-Atlantiques : Jean-Baptiste Decla 06 31 76 07 04)
Comme on peut le constater, les systèmes d’élevage extensifs ou semi-extensifs pourraient atteindre la neutralité carbone et, ainsi, permettre d’entretenir les millions d’hectares de prairies permanentes indispensables à la biodiversité et à l’équilibre de nos paysages. Pour ce faire, le consommateur doit aussi atteindre une sobriété de consommation carnée, se tourner vers des laitages qualitatifs et accepter de payer le travail des producteurs au regard des services rendu par ceux-ci à l’environnement et à la vivabilité de notre planète.

Contacts :

  • Ludivine Mignot, conseillère bio chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques  Tél. : 06 24 44 00 27
  • Jean-Baptiste Decla 06 31 76 07 04