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Sorgho fourrager mono-coupe : comment choisir ?

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La période actuelle de pluies prolongées peut amener à des adaptations des indices de maïs encore à semer ; voire, si ces conditions défavorables devaient durer, à une bascule vers des espèces de semis plus tardif.

Dans une recherche de culture le plus proche possible, en termes d’utilisation fourragère, d’un ensilage de maïs, le sorgho fourrager est une alternative intéressante, à condition de choisir celui adapté à ses objectifs… Petit tour d’horizon.

Des sorghos ?
Pousse en conditions chaudes et séchantes, faibles besoins en intrants, équilibre de la ration, état sanitaire du troupeau, diversification, appé- tence (quelle que soit l’espèce animale) sont autant de qualités qui peuvent être mises en avant pour le sorgho fourrager… Ou plutôt les sorghos fourragers, tant « le sorgho » regroupe de variétés (grain, fibre, ou, ce qui nous inté- resse ici, fourragères) et de types génétiques.
Les sorghos grain peuvent être ensilés, mais ce n’est pas leur destination privilégiée : la production de fourrage est plutôt à réserver aux sorghos sucriers « ensilage », voire, pour des troupeaux moins demandeurs, aux sorghos « double usage », généralement plus productifs que les types « ensilage » mais de valeurs énergétiques plus faibles. Le caractère mono- ou multi-coupes dépend de la durée du cycle de végétation (respectivement de 100 à 150 jours, contre une soixantaine de jours) ; ne seront abordés ici que les mono-coupes.

Les sorghos fourragers pour ensilage
À l’instar du maïs fourrage, ils sont peu pourvus en protéines et minéraux et sont principalement des fournisseurs d’énergie et de fibres dans les rations. Et comme pour toute espèce fourragère, un stade de végétation avancé diminue la digestibilité des parties végétatives et du grain. Mais à la base, la valeur alimentaire est déterminée par le type génétique : différents caractères, combinés entre eux ou non, peuvent ainsi s’exprimer et jouer sur la digestibilité des fibres, la proportion de grains par rapport aux tiges / feuilles… Existent ainsi les caractères :

  • « Brown mid rib » (BMR, ou « nervure centrale marron »). Il marque 2 propriétés de la plante, intéressantes d’un point de vue valeur : sa richesse en sucres solubles et sa faible teneur en lignine (fibre végétale « dure »), donc ses très bonnes digestibilité et valeur UF; au détri- ment cependant d’une résistance amoindrie à la verse.
  • « Mâle stérile » (MS). Les panicules ne pro- duisant pas de pollen, ces variétés ne font pas de grain.
  • « Photo-période sensible » (PPS). La repro- duction est inhibée en période de jours longs (> 12 heures), ce qui en fait des sorghos tardifs ; le taux de matière sèche (TMS) sera plus faible lors de la récolte ; ces types sont de plus géné- ralement plus feuillus que les autres.

Les génotypes BMR ont une très bonne valeur énergétique. Tous cependant ne se valent pas, notamment pour la teneur en amidon: le type BMR - grain est par exemple ce qui se rapproche le plus du maïs ensilé, avec cependant une sensibilité particulière à la verse (cf. poids du panicule sur un pied peu lignifié).
Les sorghos BMR avec peu de grains (MS et PPS), très digestibles et sans amidon, pourront s’utiliser comme un ensilage d’herbe jeune préfanée; ils sont les types à privilégier pour une association au maïs fourrage, avec d’ailleurs une meilleure efficacité alimentaire.
Des essais effectués sur vaches à la ferme des Trinottières (CA 49 et Institut de l’élevage) montrent que, jusqu’à mi-ration de sorgho BMR sans amidon (récolté à 36 % MS) en remplacement du maïs ensilé, l’ingestion et le lait produit diminuent (de façon non significative pour la baisse de lait), mais sont compensés par l’augmentation des taux.
Au-delà de 65 % dans la ration, l’augmentation du taux butyreux permise par ce sorgho BMR sans grain ne compense cependant plus la perte de production laitière. Jusqu’à 50 % d’incorporation dans la ration, économiquement parlant, 8 TMS de sorgho BMR équivaut à 10 TMS de maïs fourrage (source CA 49, 2019). L’objectif sera d’ensiler ces sorghos fourragers à 27-30 % MS, pour assurer conservation au silo (sans écoulements) et consommation par le troupeau.
Un bon indicateur de cette maturité suffisante est, quel que soit le génotype, le stade des feuilles les plus inférieures : dès dessèchement, la récolte peut s’envisager. Autre repère, valable pour les génotypes sans grain (MS et PPS) : en tordant une tige, tant que du jus
s’écoule, les 27 % MS ne sont pas atteints. Pour les variétés grain, le meilleur indicateur, est le stade des grains du milieu de la panicule : laiteux-pâteux (souvent à ce stade, la panicule change de couleur), le grain est à 50 % MS, ce qui correspond à #30 % MS pour la plante
entière (source : Arvalis).
Les sorghos grain peuvent être ensilés plante entière. Ils sont alors à récolter au stade laiteux-pâteux (au milieu du panicule). Au-delà, les grains sont plus difficiles à éclater, et contribueront à diminuer la digestibilité de l’ensilage.
 
Potentiel de rendement ?
Suite à des essais pluri-annuels du réseau CTPS, la productivité observée des sorghos mono-coupe s’étend de 13 à 16 tMS/ha, avec des variabilités autour des 3 tMS/ha. Les variétés à très haute valeur alimentaire (BMR et BMR- MS), qui sont aussi les plus sensibles à la verse, ont les rendements les plus bas; les types les plus productifs étant les sucriers et les sucriers BMR-PPS.

Éléments de l’itinéraire technique ?
Il est possible d’associer plusieurs variétés, notamment pour limiter le risque de verse, à la condition toutefois de prêter attention à la précocité de ces différentes variétés. La densité de semis sera à adapter selon les variétés et l’écartement inter-rang.
Les sorghos étant des plantes de chaleur, il est essentiel de ne semer que dans un sol réchauffé (12 °C min.), mais encore frais (entre 2 et 4 cm de profondeur) et avec du beau temps prévu les jours suivants; ce, afin d’assurer une levée rapide et régulière.
Les besoins en fertilisation sont donnés à 14 uN/tMS pour un potentiel de production à 10-15 tMS/ha, et de 1,5 à 2 uP et 3 à 4 uK/ tMS ; pour ces 2 derniers éléments, l’apport n’est nécessaire qu’en cas de disponibilité du sol insuffisante pour répondre aux besoins des jeunes plantes. Concernant l’azote, les besoins deviennent importants après le stade 10 feuilles. Enfin, particulièrement sensible à la concurrence d’autres graminées estivales, il importe de soigner l’implantation de la culture : sur un sol propre et en favorisant la rapidité de la levée. Le désherbage, s’il devait s’avérer nécessaire, est possible par diverses stratégies pré ou post-levée, ou mécanique.
Arvalis a mis en ligne sur son site une synthèse 2023-2024 de différentes variétés testées.

En conclusion
Il semble compliqué de se retrouver dans la très grande diversité des sorghos fourragers ; cependant, cette diversité donne aussi l’opportunité de trouver un fourrage adapté à sa situation, pour peu que le besoin soit défini au préalable et que l’on se base sur la classification CTPS et le type génétique. Il sera ainsi possible de dire : « J’ai testé un sorgho »… Et la réussite pourra être au rendez-vous parce qu’il aura été choisi pertinemment.

Contact : Marie Claude Mareaux conseillère herbe et fourrages - Chambre d’agriculture 64