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Un projet de lutte biologique contre le cirphis des prairies

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Lors de leur développement, les larves de trichogrammes consomment les œufs de l’espèce hôte et détruisent les populations.

Le cirphis (Mythimna unipuncta) doit son surnom de chenille des prairies à sa forte appétence pour les graminées. Ce ravageur, historiquement présent dans les Pyrénées-Atlantiques et spécifique à cette zone, est la cause de dégâts considérables et croissants sur les prairies, en moindre mesure sur le maïs, avec des conséquences très importantes pour les filières d’élevage du département.
Le traitement avec un produit insecticide de synthèse étant interdit sur prairie (aucune autorisation d’usage pour 2023), la lutte contre cette chenille devient de plus en plus compliquée. En effet, les méthodes mécaniques et les traitements biologiques (Bt) doivent être appliqués dans des conditions précises (N.D.L.R. : attaques modérées, premiers stades larvaires) et n’ont pas une efficacité objectivement démontrée.

Évolutions du ravageurs
Par ailleurs, des signes inquiétants sont observés depuis quelques années quant à l’évolution de ce ravageur. Premièrement, les années avec des attaques fortes se multiplient : autrefois quasiment exceptionnelles, elles deviennent la norme. De plus, on observe des attaques de plus en plus tôt et de plus en plus tard dans l’année. L’année 2022 en est un témoin parfait avec des attaques très tardives et des chenilles vivantes encore détectées en décembre.
Troisièmement, des attaques ont été pour la première fois observées à l’automne 2022 sur des intercultures et des céréales à paille. Enfin, des zones du département sont aujourd’hui durement touchées, notamment en montagne béarnaise, alors qu’elles étaient relativement épargnées jusqu’à présent.
Tout cela semble témoigner de l’effet qu’a le réchauffement climatique sur ce ravageur, et interroge sur les évolutions à venir tant en termes de cultures touchées qu’aux zones géographiques impactées…

La piste des trichogrammes
Afin de réduire les pullulations de cirphis et limiter les dégâts des attaques sur les prairies, un projet de recherche (conduit par la Chambre d’agriculture des Pyrénées- Atlantiques, en partenariat avec la Fredon 64, l’Inrae Sophia Agrobiotech, la Chambre d’agriculture des Landes, la Chambre d’agriculture Nouvelle-Aquitaine, Arvalis et le lauréat de l’appel à projet PEI-Emergence) est en cours. L’objectif global de ce programme est de contribuer à développer des stratégies agroécologiques pour lutter contre le cirphis et accroître la résilience des prairies face à ces attaques. Il intègre l’expérimentation d’un moyen de lutte innovant : le biocontrôle avec l’utilisation de trichogrammes.
Pour information, les trichogrammes sont de petits hyménoptères (ressemblant à des mini guêpes) capables de déposer leurs œufs dans ceux du ravageur.

Suivi du parasitisme
Lors du développement des larves de tricho- grammes, celles-ci consomment les œufs de l’espèce hôte et détruisent les populations. L’utilisation de ces insectes pourrait ainsi permettre de détruire le ravageur avant que celui-ci ne commette de dégâts.
Ce type de lutte est par exemple déjà utilisé, avec succès, contre la pyrale du maïs. Néanmoins, aujourd’hui, l’efficacité de cette technique de lutte et le coût économique de sa mise en place ne sont pas connus en ce qui concerne le cirphis… Avant de réaliser des lâchers expérimentaux de trichogrammes déjà multipliés à l’Inrae, une étude approfondie des trichogrammes locaux des Pyrénées-Atlantiques est en cours. Le but est de caractériser ces trichogrammes et d’en mettre une partie en élevage. Les résultats de la première collecte, effectuée mi-juin révèlent la présence de trichogrammes, mais reste à savoir s’ils peuvent parasiter le cirphis. En fin de période estivale, un lâcher expérimental de trichogrammes locaux sera programmé sur un site du département. Ce lâcher sera constitué d’un mélange d’espèces de trichogrammes disponibles à l’Inrae pour augmenter la probabilité de parasitisme. En complément de l’axe de recherche sur les lâchers de trichogrammes, le projet englobe d’autres actions visant à améliorer cette technique de lutte biologique.

Études complémentaires
On a montré, tout comme cela a déjà été montré par un autre projet conduit localement (projet Leader Cirphis), que d’autres insectes parasitaient naturellement les cirphis, sans que cela soit suffisant pour réguler la population. Il reste à savoir si on pourrait amplifier ce phénomène. De plus, malgré les nombreuses expériences et connaissances acquises par les éleveurs et les structures techniques du département, toutes les particularités du cycle de développement du cirphis ne sont à ce jour pas encore connues. Pour cela, un élevage expérimental est conduit en laboratoire pour nous aider à connaître davantage les conditions de développement de ce ravageur.
Face à l’ampleur des attaques de cirphis et au manque de traitement curatif efficace et réglementaire, toute recherche de solution est la bienvenue. En plus de l’axe de travail en biocontrôle, d’autres recherches se concentrent notamment autour des moyens de prévoir au mieux les attaques, travailler la résilience des prairies face à ce ravageur, au travers de leur composition, leur utilisation et la biodiversité attenante. Il faudra également accroître notre vigilance quant à l’étalement et la migration de ce ravageur dans des territoires voisins.

Contact : Noémie Lavergne, Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques