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Zoom sur la pâture de couverts estivaux

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Encore peu exploités par les éleveurs, les couverts à pâturer comportent pourtant de nombreux avantages.

Un été sec, un hiver sec, les saisons se suivent et se ressemblent. Jetons un œil sur les pratiques de nos collègues au nord de la région qui font plus souvent face aux fortes chaleurs estivales associées à des déficits de pluviométrie qui ont des conséquences importantes sur les stocks fourragers dans les élevages herbivores.
La pâture de couverts est une solution qu’ils explorent. Les couverts végétaux estivaux présentent de multiples intérêts agronomiques. Lorsqu’ils sont réussis et qu’ils développent une biomasse suffisante (3 tMS/ha et plus), ils participent au maintien d’une bonne fertilité de sol, luttent contre les adventices, limitent l’érosion et le lessivage des éléments nutritifs en période hivernale…
En élevage herbivore, ils sont intéressants car souples d’exploitation : restitution au sol, exploitation en fauche pour consolider les stocks, allongement de la saison de pâture en été. Les années un peu compliquées, faire pâturer les couverts permet de repousser la date d’affouragement et de limiter l’impact sur les stocks. Cela permet par ailleurs de réduire le coût alimentaire car leur conduite demande généralement peu d’investissements.

Une option peu exploitée
Les couverts à pâturer ont toute leur place dans les systèmes biologiques. Ils ne semblent pourtant pas très répandus dans les élevages de bovins biologiques ou conventionnels. D’après une enquête réalisée par l’Idele dans le cadre du projet Inter-AGIT +, seuls 21 % des éleveurs interrogés l’ont pratiqué en 2021. Ils présentent également des limites. Le choix des espèces, la technique d’implantation ou encore la date de semis sont des facteurs importants de réussite.
Cependant, l’élément le plus important reste la pluviométrie. Un suivi réalisé par le Ciirpo sur les campagnes 2015 et 2016 a permis de comparer deux couverts estivaux, l’un ayant reçu 130 mm et l’autre n’ayant reçu que 15 mm. Le premier a produit plus de 3 tMS/ha et rempli pleinement ses objectifs tandis que l’autre n’a pas levé.
La composition des couverts peut être simple ou multi-espèces. Bien utilisés, ils offrent des pâtures riches et non parasitées pouvant convenir à plusieurs catégories d’animaux : agnelles, génisses de renouvellement, vaches suitées, vaches en fin de gestation… Il faut toutefois rester vigilant vis-à-vis des possibles toxicités, des risques de météorisation, des problèmes d’appétence, de leur sensibilité au piétinement.
Pour certains couverts, il faudra privilégier une conduite au fil ou un pâturage tournant. Les couverts les plus fréquemment implantés pour une valorisation en pâturage sont le colza fourrager, les sorghos fourragers, le moha et le trèfle d’Alexandrie. Ce sont des cultures d’été qui peuvent très bien s’imaginer derrière un méteil récolté vert, une orge… Il est conseillé de les semer le plus tôt possible, dès que la parcelle est libérée et que le sol est suffisamment réchauffé, afin de profiter de l’humidité du sol et de bénéficier d’un maximum de jours de végétation. Le sorgho fourrager multi-coupe, que l’on voit maintenant chez nous sur des parcelles non irriguées, s’implante de mi-mai à début juillet quand la température du sol est supérieure à 12 °C, à 25 kg/ha avec un semoir à céréales. Il a pour avantages d’être une plante rustique, avec un système racinaire intéressant et une bonne production de biomasse. Il nécessite une préparation du sol soignée et un roulage.
Les variétés multi-coupes de type Sudan grass (par exemple PIPER) ou de type hybride sont relativement bien adaptées au pâturage. Les variétés hybrides sont plus tardives à épiaison, limitant ainsi le risque d’une baisse précoce des valeurs alimentaires (les valeurs chutent après épiaison). En revanche leurs feuilles et tiges sont plus épaisses, moins appétantes et moins digestibles. D’où l’arrivée des variétés BMR, présentant une lignification différente, plus digestibles et plus élevées en UF.
À 52 jours de végétation, le rendement visé est de 4,5 à 5,5 tMS/ha avec un épi 20-30 cm avant sa sortie. Sur 1 kg de matière sèche, un sorgho fourrager de type hybride (Sudan x Sudan) sera à 144 g de MAT, 0,78 UFL 84 g PDIN et 61 g PDIE, alors qu’un BMR sera à 160 g de MAT, 0,78 UFL, 89 g PDIN et 64 g PDIE. Rendement attendu 3 à 4 tMS. Attention, les sorghos sont toxiques au début de leur cycle. En effet, ils contiennent de la dhurrine qui, en se dégradant dans le rumen, libère de l’acide cyanhydrique. La présence de cet acide dans le sang peut provoquer des paralysies respiratoires allant jusqu’à la mort. La concentration de dhurrine diminuant au fur et à mesure de la croissance des plantes, le pâturage par les bovins devient possible à partir de 40 cm pour les variétés Sudan grass et 60 cm pour les variétés hybrides.

Des exemples de couverts
Le moha se sème de début juin à début août (t° sol > 12 °C) à 20 kg/ha. Il a une bonne résistance à la sécheresse, un bon pouvoir couvrant et est appétant. Sa production de biomasse est en revanche limitée et il a des valeurs fourragères assez faibles et une épiaison précoce. Afin d’optimiser les valeurs alimentaires du moha, il est conseillé d’implanter des variétés tardives et de les faire pâturer tôt, dès 20-25 cm, sur de petites surfaces. Un moha de 42 à 85 jours aura par kilo de MS, d’après les mesures INRA au pin des Haras, 98 g de MAT, 0,65 à 0,80 UFL, 63 g de PDIN et 72 g de PDIE. Son association avec du trèfle d’Alexandrie, par exemple, permet d’obtenir un fourrage de meilleure qualité et bien adapté à la pâture. Le rendement attendu est alors de 2 à 3 tMS. Le trèfle d’Alexandrie s’implante de début juin à début août à 15 kg/ha (ou 10 kg/ha + 15 kg/ha de moha). Il a une croissance rapide et est une plante intéressante pour les pollinisateurs. Attention à réaliser un semis soigné adapté aux petites graines. Il s’agit du trèfle le plus utilisé pour le pâturage car il n’est pas météorisant. Il convient très bien à des vaches en lactation, apportant une bonne quantité des protéines nécessaires à la production de lait, sans toutefois causer de problèmes digestifs sur les veaux. La chambre d’agriculture de Normandie donne les valeurs suivantes au kilo de MS : pour une récolte non fleurie 200 g de MAT, 0,87 UFL, 128 PDIN et 93 PDIE pour récolte à début floraison, 169 g de MAT, 0,81 UFL, 108 PDIN et 86 PDIE.
Le colza fourrager s’implante de mi-juillet à début août au plus près de la moisson de céréales à 4 kg/ha. Il a une croissance rapide et une bonne production de biomasse. Attention à éviter la surdensité au semis. Le colza produit un fourrage de qualité. Sa richesse en azote soluble est intéressante pour des vaches allaitantes en lactation ou des génisses de renouvellement de plus d’un an. Il faut néanmoins le rationner. Pour cette raison il est recommandé de le faire pâturer au fil. Rendement attendu 4 à 5 tMS.
Les couverts multi-espèces semés derrière les moissons de céréales se composent majoritairement de graminées (avoine, seigle…), de légumineuses (trèfle, vesce, pois…) et de crucifères (colza, radis, rave…). Ils ont vocation à être enfouis et restitués au sol. Néanmoins, selon le contexte, il peut être opportun de les faire pâturer, à condition de disposer de bonnes conditions de portance des sols. Ces couverts, diversifiés et constitués de plantes jeunes, présentent de bonnes valeurs alimentaires et sont équilibrés. Les études du Ciirpo à ce sujet indiquent des valeurs proches de 0,9 UF et 90-100 g PDI. Le rendement attendu est de 2 à 3 tMS. Un pâturage automnal de ces couverts peut s’envisager sans transition alimentaire et sans restriction particulière. Attention, certaines espèces sont à éviter. Les graines de gesse et de vesce velue sont toxiques. La moutarde, consommée à forte dose, peut également le devenir du fait de sa teneur en glucosinolates. Enfin, la phacélie et le sarrasin, même s’ils ont leur place dans les couverts d’interculture, sont peu appétants.

Maîtrise des charges
En termes de coûts, ces couverts sont économes : pas de frais de récolte, pas de désherbage mécanique, pas ou peu de fumure organique… Les couverts à pâturer coûtent essentiellement au moment de leur implantation, surtout s’il n’y a pas de semences de ferme disponibles. L’estimation des coûts de semence non traitée (faire une demande de dérogation car faible disponibilité en AB) est de 15 €/ha pour le colza fourrager, 65 €/ha de moha et trèfle d’Alexandrie, 85 €/ha pour du sorgho fourrager et 90 €/ha pour un mélange multi-espèces (seigle fourrager, RGI, colza, rave, trèfle d’Alexandrie).
Les couverts végétaux sont bénéfiques pour le sol, l’environnement, l’alimentation, la santé des animaux et la maîtrise des charges. Leur pâture pourrait se développer dans les élevages herbivores afin de limiter l’utilisation précoce de fourrages secs et répondre à un contexte économique actuel difficile. Le panel d’espèces et de dates de semis permet à chaque élevage de trouver le ou les couverts les plus adaptés à ses animaux et ses rotations culturales.

Contact : Ludivine Mignot,  conseillère bio Chambre d’agriculture 64, l.mignot@pa.chambagri.fr
D’après le bulletin technique herbivore février 2023 du groupe herbivore bio des chambres d’agriculture  de Nouvelle-Aquitaine.