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Changement climatique et ruminants : comment s’adapter ?

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La hausse des températures aura des impacts sur la production d’herbe mais aussi sur la conduite des troupeaux.

Le changement climatique affecte dès à présent les filières agricoles, l’année 2022 l’a bien montré. Pour faire face aux évolutions prévisionnelles du climat, les filières doivent impérativement s’adapter pour devenir plus résilientes face aux conséquences induites par ces nouvelles conditions. L’objectif est alors de minimiser les conséquences négatives du changement climatique qui sont certaines, tout en essayant de profiter des conséquences potentiellement positives de celui-ci, quand il y en a.

Systèmes fourragers modifiés
Les éleveurs de ruminants seront parmi les premiers touchés par les évolutions climatiques. Celles-ci vont d’abord engendrer une modification de la pousse de l’herbe. La hausse des températures en fin d’hiver, au printemps et en automne, conjugués à la hausse de CO2 favorisant la photosynthèse et à des précipitations relativement stables en ces saisons, va théoriquement entraîner une hausse de la production fourragère au printemps et en automne, avec donc des périodes optimales de pâturage plus précoces et plus tardives, qu’il faudra valoriser au mieux !
L’ajustement des périodes de vêlage ou d’agnelage pour valoriser au mieux ces ressources sera un moyen d’adaptation. Les modes de récolte devront également évoluer dans la mesure où la production sera accrue sur des périodes pour lesquelles la récolte en sec sera potentiellement plus compliquée. Se posera immanquablement la question du coup de la qualité des fourrages récoltés, au-delà de la quantité.
L’été est et sera la période la plus problématique, avec des sécheresses qui vont se généraliser. Plusieurs pistes d’adaptation seront donc à réfléchir : reports sur pied, mise en place de cultures estivales (teff grass, sorgho multicoupes…) sont des exemples. Les légumineuses, et notamment la luzerne, tolèrent également mieux la chaleur, tout comme la betterave fourragère qui peut supporter un été sec. Les arbres fourragers (mûriers blancs par exemple), déjà testés en bovins et caprins dans d’autres territoires, pourraient s’avérer prometteurs.

Des animaux exposés
Les stress thermiques iront croissant pour les animaux, que ce soient dans les bâtiments ou au pâturage, avec des impacts négatifs sur l’ingestion, la production de semences chez les mâles, ou encore l’expression des chaleurs ou la fécondité chez les femmelles, et donc des conséquences notables sur la productivité, la fertilité, la santé et le bien-être animal. Des leviers, plus ou moins coûteux, existent pour adapter les bâtiments : isolation et choix des matériaux, ventilation, curage du fumier, brumisation, végétalisation des façades…
Pour toutes nouvelles conceptions de bâtiment, il est nécessaire d’y réfléchir dès à présent. Les conseillers bâtiment de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques prennent ainsi part actuellement au projet Batcool visant à adapter les bâtiments d’élevage de petits ruminants au changement climatique pour améliorer le confort thermique des animaux et des hommes.
En ce qui concerne le pâturage, des aménagements sont nécessaires pour protéger les animaux de la chaleur. La mise en place d’abris dans les parcelles (haies, agroforesterie intra-parcellaire) et de solutions d’abreuvement dans les pâtures permettra d’assurer le bien-être animal en cas de chaleurs relativement modérées.
Si la chaleur est trop forte et les bâtiments adaptés, il est pertinent de garder les animaux en bâtiment la journée et de faire pâturer la nuit. Il faut aussi être vigilant à la gestion de l’alimentation : du fait d’une baisse d’ingestion non négligeable induite par les chaleurs, y compris au pâturage, des fourrages riches et appétants sont à distribuer en priorité. À noter que les risques d’acidose vont également croissants avec la chaleur.

Et les produits ?
Les nouvelles conditions climatiques influencent également la qualité des produits : d’une part directement la qualité physico-chimique des laits mais aussi les conditions de transformation et d’affinage pour les producteurs fermiers. Enfin, la mise en place de nouvelles ressources fourragères peut dans certains cas faire évoluer la qualité des produits. Le projet Bionachol, dans lequel la chambre d’agriculture était partenaire, a par exemple montré l’impact négatif que pouvait avoir un régime de pâturage à base de chicorée sur la qualité des fromages. Même si cet effet ne s’est retrouvé qu’une année sur deux, cela impose une vigilance particulière, notamment pour les producteurs fermiers.
Ainsi, le changement climatique va nécessairement induire des changements plus ou moins profonds qu’il faut nécessairement anticiper. Rappelons aussi toutefois que l’adaptation ne fera pas tout : les filières agricoles ne pourront probablement pas continuellement s’adapter si le changement climatique n’est pas ralenti !

Jean Beudou, Conseiller filière ovine - Recherche, développement, innovation, Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques