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Adaptation d'outil à l'agriculture bio de conservation

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Arvalis s’est associée au fabricant Eco Mulch en 2015 pour mettre au point une machine capable de faucher les rangs de luzerne dès que nécessaire, sans endommager la culture bio intercalée.

En bio ou en conventionnel, les cultures ont besoin d’être nourries (l’azote notamment est indispensable à la croissance et nécessaire à la constitution des protéines) et d’accéder à l’eau et à la lumière avec un minimum de concurrence des adventices.
En zone d’élevage, les agriculteurs bio peuvent aisément trouver localement des engrais organiques, mais il n’en est pas de même partout. Quant à la gestion des plantes indésirables, sans herbicide de synthèse, elle nécessite une approche radicalement différente des pratiques habituelles. L’une des solutions est de faire cohabiter la culture bio que l’on cherche à récolter (du blé par exemple) avec une légumineuse comme de la luzerne semée en bandes successives d’une trentaine de centimètres.
Les avantages pour la culture bio sont multiples : elle se nourrit de l’azote fournie par la légumineuse, celle-ci contrairement au blé ayant la faculté de capter puis de restituer au sol l’azote atmosphérique. Elle profite également de l’effet couvert permanent de la luzerne qui étouffe les mauvaises herbes et réduit leur concurrence durant l’interculture.

Broyer les luzernes dans l’interrang
Dans les essais conduits par Arvalis, on a pu mesurer qu’avec cette méthode de production les rendements et les qualités du blé sont satisfaisants. Problème : il faut tout de même contenir le développement de la luzerne au profit de la culture de rente et sa maîtrise entre les rangs de blé, sans recours aux herbicides, est un véritable challenge technique. Pour cela, la solution consiste à broyer cette luzerne entre les rangs du blé, sans toucher celui-ci.
Les équipes d’Arvalis se sont donc associées au fabricant Eco Mulch dès 2015 pour mettre au point une machine capable de faucher les rangs de luzerne dès que nécessaire, sans endommager la culture bio intercalée. Afin d’être assez précis pour réaliser cette opération, le tracteur est équipé d’un gui-dage GPS RTK qui permet de dissocier deux espèces semées un rang sur deux de façon à pouvoir contrôler l’une sans agir sur l’autre. Ce système permet de favoriser la culture d’intérêt tout en contrôlant le couvert. Les premiers essais datent de 2016. Les tech-niciens ont alors semé de la luzerne au GPS RTK tous les 30 cm en même temps que du tournesol. Dans l’interculture à l’automne, ils ont laissé la luzerne se développer et rempla-cé les rangs de tournesol après sa récolte en semant du blé grâce au guidage GPS.

Maîtriser le couvert au printemps
La luzerne passe alors en repos végétatif et ne concurrence pas le blé pendant sa phase de tallage. Ce n’est qu’au printemps qu’elle redémarre avec le risque que le couvert se développe plus vite que la culture. L’enjeu est donc de venir maîtriser ce couvert pour laisser toute la lumière à la culture. Eco Mulch a donc répondu favorablement pour travailler sur la gestion du couvert interrang en créant le porte-outil Gaia.
Il est composé d’une poutre principale avec 10 parallélogrammes sur lesquels on peut fixer différents outils.
Des éléments semeurs pourront être remplacés par les faucheurs interligne ce qui permet une combinaison outils tracteur unique pour plus de précision. Bien qu’il y ait un système de guidage RTK, il faut être vigilant au centrage et au guidage de l’outil par rapport au tracteur.
En 2019, un prototype de faucheur interligne a été testé sur 4 000 m² de blé tendre variété Métropolis et 1 000 m² de blé dur variété L1823 en conduite bio. Les rendements respectifs ont été de 40 q/ha et 32 q/ha sans apport d’azote. Les teneurs en protéines s’élèvent à 11,2 % pour le blé tendre et 13,3 % pour le blé dur. À la moisson, la lumière est accessible à la luzerne en attente sous la paille de blé. Celle-ci va se développer et remplir ses rôles. Elle va capter de l’azote atmosphérique, limiter la présence d’adventices, lutter contre l’érosion et préserver la biodiversité. Elle assure par ailleurs la présence d’un couvert fixateur d’azote au regard des BCAE 6 (cou-verture des sols) et 8 (Infrastructure agro écologique) de la nouvelle PAC.

Qualifier les espèces adaptées
Ces pratiques sont bien sûr à mettre en place de façon raisonnée sur une partie de l’exploitation et dans le cadre de la rotation obligatoire en bio. Afin d’estimer la rentabilité et les limites de la pratique ainsi que de définir quelles espèces mettre en couvert et quelles variétés et cultures sont le plus adaptées, Arvalis s’est engagé dans un nouveau programme de recherche en continuité avec le projet Graal.
Ce projet d’étude va couvrir de 2021 à 2025 plusieurs contextes pédoclimatiques au sein de cinq stations expérimentales et six observatoires périphériques. Le premier objectif consistera à évaluer la faisabilité et les services rendus aux plans agronomiques (rendements, qualité, gestion des adventices, fertilisation azotée, fertilité des sols) et environnementaux. Le projet permettra notamment de mieux qualifier les espèces et les variétés les plus adaptées en tenant compte de la dimension économique de la pratique qui sera chiffrée. En Lorraine, l’expérimentation participera à la reconnexion entre élevage et grandes cultures grâce à l’exploitation fourragère de la luzerne.
« On ouvre tout un champ de possibles, estime Régis Hélias. Le projet suscite l’intérêt de nombreux agriculteurs. Je reçois au moins un appel par jour et notre page Facebook Arvalis couverts permanents bio est consultée dans une vingtaine de pays à travers le monde ». Cette page propose un suivi régulier des cultures permettant de consulter en direct les interactions couverts/cultures.
Les essais les plus proches sont à Montans dans le Tarn. Parmi les écueils figurent les risques sanitaires inhérents à la luzerne, limitant le système à une partie de l’assolement. À noter que le retour d’une même culture deux années successives (le blé en l’occurrence), interdit en bio, bénéficie d’une dérogation, du fait de la présence d’une culture associée.

Contact : Ludivine Mignot,  conseillère bio Chambre d’agriculture 64, l.mignot@pa.chambagri.fr