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Agriculture bio et sécheresse, quelles adaptations ?

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L’adaptation des systèmes au changement climatique se fera dans la durée mais doit être pris en compte dès maintenant.

Les Pyrénées-Atlantiques ont connu en 2022 une sévère sécheresse. L’ensemble du département a été reconnu en calamités pour sa production d’herbe. À quoi s’attendre pour les années à venir dans un contexte de changement climatique avéré sur lequel nous sommes alertés depuis de nombreuses années ? Certainement rien de facile, alors les systèmes vont devoir s’adapter pour perdurer. Y compris les systèmes bio qui mettent déjà en œuvre une partie importante des pistes recensées. Des outils de projection sont utilisés par les chambres d’agriculture tel l’outil Clima-XXI (climat et agriculture du XXIe siècle) qui a pour but de faciliter la perception du changement climatique et d’en favoriser la prise de conscience collective afin de réfléchir à des stratégies d’adaptation. Son intérêt principal est d’être capable de donner des prévisions très localisées, puisque nous pouvons choisir des points suivant une maille de 8 km de côté. Il permet de réaliser des graphiques pour une approche visuelle simple comme par exemple sur l’évolution moyenne annuelle de deux indicateurs agroclimatiques liés à l’élevage : le nombre annuel de jours avec des températures supérieures à 32 °C traduisant un stress des animaux ou la date optimale de première coupe, selon le modèle RCP 4.5 du GIEC (trajectoire actuelle, à peu de chose près).

Un outil modulable
Ces indicateurs agroclimatiques peuvent être développés pour tous types de production : pour les cultures (date de récolte…), pour la viticulture (date de vendange, risques de gel au printemps…). C’est de plus un outil tout à fait modulable : des prévisions spécifiques peuvent être créées suivant les besoins des acteurs de terrain et différents modèles climatiques peuvent être explorés (inaction climatique, trajectoire actuelle, fortes actions pour le climat). Savoir c’est bien, mais agir c’est mieux.
Ces simulations ne constituent en aucun cas des prévisions. Elles montrent cependant que des situations de sécheresses bien plus extrêmes que lors des 100 dernières années sont probables d’ici 2030-2060 et s’amplifieront d’ici 2100. Face à ses évolutions climatiques, l’ensemble des filières de la région se mobilisent pour adapter les pratiques de l’amont à l’aval. Différentes stratégies sont à mettre en œuvre selon les productions des exploitations mais également en termes de filières agricoles. Il doit s’agir d’une approche collective de la problématique.
Il semble donc important d’envisager dès maintenant la question de l’adaptation des systèmes agricoles à des situations de sécheresses plus fréquentes et parfois particulièrement fortes et prolongées. Si l’adaptation par l’offre, qui consiste à prélever ou à stocker plus d’eau grâce à des retenues d’irrigation, peut paraître attrayante, elle présente un certain nombre de limites et génère un besoin en eau toujours accru. Dans ce contexte, il paraît donc prioritaire d’adapter la demande en eau en adaptant les systèmes agricoles pour les rendre plus résilients en condition de sécheresse.
Plusieurs pistes sont à explorer. Pour les grandes cultures, l’une des stratégies peut être l’adaptation des cultures et du matériel végétal pour esquiver les périodes de stress hydrique en développant des variétés ou en avançant la date de semis des cultures de printemps. Introduire des espèces ou des variétés plus tolérantes en situation de sécheresse peut également être un levier d’action. Bien que la sélection des variétés classiques reste encore la voie majoritaire, la sélection de variétés populations via la sélection participative peut également être envisagée.
Le principal facteur de résilience du matériel végétal reste cependant la diversité. Si la diversification de l’assolement et des rotations est un premier pas vers la résilience des systèmes agricoles, le recours aux mélanges d’espèces et de variétés, en jouant sur la complémentarité au sein d’une même parcelle, est également une piste intéressante à explorer que nous connaissons bien en bio.
En ce qui concerne les pratiques culturales, celles favorisant l’infiltration et l’augmentation de la réserve utile devraient être privilégiées. La couverture du sol, via les couverts d’intercultures ou les couverts secs, peut permettre d’augmenter le réservoir utilisable des sols pauvres en matières organiques. La limitation du travail du sol via notamment des techniques de travail superficielles ou de semis sous couvert peut également favoriser le stock d’eau disponible pour les plantes. Ces pratiques doivent toutefois être affinées en agriculture biologique notamment vis-à-vis de la maîtrise des adventices à moyen terme. L’ABC (agriculture biologique de conservation) reste une piste à approfondir. Enfin, l’agroforesterie semble être une stratégie prometteuse pour limiter l’évapotranspiration des cultures en créant un climat humide, tout en limitant le stress hydrique des plantes.

Adapter les pratiques
Concernant les élevages, l’adaptation des prairies et des systèmes fourragers par l’utilisation d’espèces adaptées au stress hydrique doit faire partie des critères de sélection de semences pour les parcelles semées. Bien sûr, le mélange d’espèces est une carte à jouer permettant une meilleure résilience des prairies aux aléas.
Les besoins du troupeau et sa tolérance à la sécheresse peuvent également être adaptés par la taille du troupeau, le choix de la race ou celle des périodes de naissances, ainsi que par le taux de renouvellement pour garder moins de jeunes et ainsi faire correspondre les besoins à la pousse de l’herbe et réduire le chargement. L’agroforesterie est également intéressante en augmentant la tolérance des ressources fourragère grâce à la création d’un microclimat, et en augmentant le bien-être des espèces animales en leur fournissant des zones d’ombre.
Enfin, la résilience des systèmes d’élevage en conditions de sécheresse nécessite d’augmenter l’autonomie alimentaire de l’exploitation pour éviter les achats extérieurs d’autant plus coûteux en conditions de sécheresse. Cela passe notamment par le développement de stocks mais aussi de nouvelles ressources fourragères pouvant être mobilisées tout au long de l’année telles que les repousses ou les couverts d’intercultures, la mise en lien avec des cultures céréalières au stade végétatif, ou encore les feuilles des arbres en systèmes agroforestiers. L’agriculture biologique est depuis longtemps familiarisée avec l’autonomie alimentaire et, de ce fait, les systèmes bio sont plus résilients mais sont plus fragiles devant la nécessité d’acheter des aliments bio pour nourrir les troupeaux et doivent donc intégrer ces évolutions au plus vite.

Économiser l’eau
En vigne, la couverture du rang peut également être mobilisée pour augmenter la quantité d’eau disponible dans le sol. Si l’enherbement hivernal peut permettre d’améliorer la reconstitution du stock d’eau du sol en hiver, les couverts secs tels que le mulch, les paillages ou le bois raméal fragmenté ou de miscanthus (essais prévus cet été sur le département) constituent également un moyen d’augmenter le réservoir utilisable, sans entrer en compétition avec la vigne. À plus long terme, l’adaptation de la plantation est également une stratégie à envisager. La réorganisation de la plantation dans l’espace peut notamment contribuer à la résilience en conditions de sécheresse en privilégiant notamment les terrains avec des réserves utiles plus importantes, une orientation nord-sud et l’espacement des rangs. Enfin, l’adaptation du matériel végétal est également un levier important. Les porte-greffes notamment peuvent être facilement choisis pour leur tolérance au stress hydrique. Bien que le changement de cépage soit plus complexe dans le cadre des appellations d’origines, des évolutions de la réglementation permettent aujourd’hui de tester de nouveaux cépages afin de mettre en place des vignes plus tolérantes à la sécheresse mais également aux maladies.
Lorsque l’irrigation ne peut être évitée, des stratégies sont également à mettre en place afin d’économiser l’eau. La limitation des prélèvements d’eau en été via le choix des espèces, et la relocalisation de l’eau des cultures de printemps vers les cultures d’été peut être envisagée. Enfin, l’augmentation de l’efficience des systèmes d’irrigation pourrait également être une voie d’économie d’eau dans les systèmes irrigants. Néanmoins, elle doit être accompagnée par un pilotage de l’irrigation pour ne pas entraîner une surconsommation d’eau qui pourrait tout simplement annuler les économies d’eau liées au gain d’efficience.
L’adaptation des systèmes au changement climatique se fera dans la durée mais doit être pris en compte dès maintenant pour se faire le plus progressivement possible. Il doit également intégrer la décarbonation de l’agriculture et le stockage du carbone afin de limiter le changement climatique au plus vite. L’agriculture du Sud-Ouest ne sera plus la même et ce très rapidement, adaptons-la dès maintenant pour préserver les exploitations et les ressources locales.

Contact : Ludivine Mignot,  conseillère bio Chambre d’agriculture 64, l.mignot@pa.chambagri.fr