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Des animaux dans les vergers, les points de vigilance

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Contrôler l’enherbement des vergers ou des vignes par le pacage des animaux est une pratique vertueuse qui requiert, toutefois, des précautions et quelques investissements de protection.

Les bonnes pratiques tendent à diversifier les productions au sein d’une même parcelle. La mise en pâture de brebis sous les vignes est fréquente mais nombre d’animaux différents peuvent être introduits dans les vergers. Il faut toutefois rester vigilant aux contraintes générées et prendre certaines précautions.

Auxiliaires de cultures
La première motivation à l’introduction d’animaux dans les vergers porte surtout sur la gestion du couvert herbacé qui reste une contrainte importante en arboriculture biologique. Un à deux passages de désherbages mécaniques peuvent être économisés avec un pâturage hivernal de brebis. La technique permet également de lutter contre les ravageurs, en particulier le carpocapse et les anthonomes. Après la récolte, la consommation des fruits tombés au sol limite la prolifération l’année suivante.
De plus, le piétinement des brebis gène les campagnols qui voient leurs galeries endommagées et fait ainsi baisser les populations de ravageurs. Le piétinement des animaux favorise également la dégradation des feuilles à l’automne, réduisant l’inoculum de la tavelure en vergers de pommiers.
De même, l’apport de fertilisant n’est pas négligeable même si des apports complémentaires sont nécessaires. Les animaux, eux, ont accès à la ressource alimentaire, à un abri climatique voire un refuge contre les rapaces pour les volailles. Arbres et animaux se rendent donc mutuellement service. Le choix des animaux dépendra des problèmes rencontrés en cultures et des débouchés commerciaux. Si l’objectif est de gérer l’enherbement, la brebis est un bon choix. Les volailles permettent une meilleure lutte contre les ravageurs, car elles mangent les larves dans le sol et amènent plus de valeur fertilisante. Si le producteur est en circuit court, la valorisation d’œuf peut être souvent intéressante.

Double atelier
Pour les brebis et volailles de chair, cela peut être plus compliqué, car il est nécessaire d’avoir un abattoir certifié bio pour tuer les animaux et de gérer de la viande fraîche par la suite. En volaille, les risques de grippe aviaire récurrents sont maintenant également une contrainte à prendre en compte. Les oies broutent également l’herbe en tassant moins les sols que les brebis. Le cochon, lui, entraîne plus de risque de dégradation des sols en fouissant et les ornières peuvent vite devenir une contrainte pour circuler. Les brebis peuvent également être mises dans les vergers bas mais dès qu’elles lèvent la tête, il faut les changer de parcelle.
Les animaux mis en pâture peuvent venir d’un berger ou être la propriété de l’arboriculteur. A noter que des animaux non bio peuvent pacager des parcelles bio à raison de 4 mois cumulés sur l’année maximum. En volailles, deux autres profils sont rencontrés, ceux qui mettent peu de volailles sur une grande parcelle à temps plein ou bien ceux qui ont un double atelier avec valorisation des produits d’élevage, volailles de chair ou œufs.
Les brebis peuvent occasionner des dégâts sur les arbres. Si l’arboriculteur fait appel à un berger extérieur, les dates de pâture peuvent être très variables alors que les chantiers de taille sont à programmer. Une bonne communication entre les deux parties est donc indispensable. En volailles, il faudra rester vigilant sur les contraintes de biosécurité si l’élevage dépasse 250 poules. Dans les deux cas, si les animaux sont en propriété, les temps d’astreintes de gestion des animaux sont à prendre en compte et sont non négligeables. La surveillance voire le soin quotidien sont de rigueur.
En termes de coûts, les investissements peuvent être significatifs entre l’achat des animaux, le matériel de clôtures, un abri, d’éventuels soins vétérinaires, l’alimentation complémentaire… Pour les volailles, des systèmes contre les rapaces peuvent être mis en place. La LPO recommande de tirer des fils en parallèle en hauteur, auxquels sont accrochés des morceaux de rubalise et de barquettes en aluminium pour la visibilité. Pour que cela fonctionne, les fils doivent être assez serrés, l’écart entre deux fils doit être inférieur à l’envergure des rapaces visés. Toutefois l’installation est très chronophage et les fils doivent être régulièrement replacés.

Systèmes de protection
Autre point de vigilance, les jeunes plants doivent être protégés pour en limiter la consommation. Le projet Brebis-Link (2018- 2020) précise que les jeunes vergers de moins de 7 à 8 ans ne sont pas adaptés à l’introduction d’animaux, en raison du risque de frottements et de consommation de branches basses, en dessous d’un mètre cinquante. Plusieurs protections sont évoquées : tuteur en acacia avec un grillage type ursus, un enclos en bois tripode avec ursus, un tuteur avec un Tubex, ou une clôture électrique. Différents essais sur la conduite d’animaux sous verger sont en cours. Dans le projet ECORCE, le FIBL France travaille notamment sur des essais pour limiter l’abroutissement (consommation de feuilles, bourgeons, rameaux et jeunes pousses) des brebis sur les vergers basse-tige en végétation afin qu’il puisse être pratiqué toute l’année. Différentes modalités ont été testées : pâturage d’agnelles à 150 animaux/ha avec 3 modalités, un témoin, mises en place de fils électriques en bas et affouragement pour détourner les agnelles des arbres avec mise à disposition de jouets en forme de troncs. La modalité fils électriques a été la plus concluante.
Un autre essai a eu lieu afin de limiter l’abroutissement par la pulvérisation  sur le premier étage de branches charpentières de deux mélanges. Le premier associait de la matière fécale du troupeau et du kaolin et le second du kaolin et du sable fin. Les fils électriques ont à nouveau été les plus pertinents. L’introduction d’animaux sous vergers va pleinement dans le sens de l’évolution des pratiques agricoles vers des systèmes agroé-cologiques permettant de mettre en avant les co-bénéfices engendrés par la pratique, toutefois, en bio ou en conventionnel, les systèmes mis en place doivent être murement réfléchis et des précautions doivent être prises tant en termes de chiffrage, que de temps de travail nécessaires.

Contact : Ludivine Mignot, conseillère bio chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques  Tél. : 06 24 44 00 27