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Entretenir les mycorhizes du sol

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Leur préservation fait partie de l’approche agronomique des sols.

Dans notre édition du 25 juin dernier, nous avons pu voir l’importance des mycorhizes dans le bien-être des végétaux. Elles jouent un rôle majeur dans la prospection et l’extraction de l’eau du sol à destination des racines, ainsi, les plants en symbiose mycorhizienne présentent une meilleure conductivité hydraulique et un taux de transpiration réduit en situation de sécheresse. Elles favorisent la protection contre les organismes pathogènes, réduisent les symptômes de maladie surtout racinaires tels phytophtora, piétin, pythium… Celles-ci doivent être installées avant l’attaque.

Biostabiliation des sols
Les mécanismes observés sont divers : compétition pour les sites de colonisation racinaires et la fourniture de carbone, stimulation de la croissance de la plante par le biais d’un apport nutritif accru et une meilleure santé végétale, accroissement du volume de racines fines induites par la synthèse de phytohormones par le champignon, amenant une augmentation des exsudats racinaires qui vont stimuler la microflore concurrente des pathogènes.
Les mycorhizes favorisent la biostabilisation des sols en formant un réseau de filaments mycéliens pouvant atteindre 30 mètres par gramme de sol. Et pour finir, elles ont un effet sur la qualité des produits agricoles, en lien avec une augmentation des concentrations en antioxydants ou en sucres induits par les mycorhizes. Il est également à noter que les champignons mycorhiziens, parce qu’ils ont une faible spécificité d’hôte, peuvent interconnecter différentes espèces entre elles et favoriser des échanges de nutriments ou de signaux.  La préservation  de  ces réseaux mycéliens doit donc faire partie de l’approche agronomique des sols.

Travail du sol, herbicides et intrants
Des pratiques agricoles favorables aux mycorhizes sont à privilégier. Le travail du sol tend à détruire les réseaux mycéliens qu’il s’agisse du labour qui disperse les spores des champignons et les met hors de portée des racines des plantes ou de l’utilisation d’outils pulvérisant les sols tels que les herses rotatives qui détruisent les réseaux mycéliens en même temps que les agrégats de sol, base de leur stabilité.
De même, les apports d’engrais minéraux, notamment les phosphates sont défavorables aux symbioses mycorhiziennes, car la plante qui investit jusqu’à 20 % de sa photosynthèse dans la fourniture de carbone aux champignons interrompt cette relation qui ne lui est plus nécessaire. De plus, elle perd en même temps les autres services, cités plus haut, rendus par les mycorhizes et devient, ainsi, plus dépendante des produits de synthèse. Au contraire, les apports d’engrais organiques à minéralisation lente peuvent stimuler les champignons mycorhiziens à arbuscule.
Les herbicides détruisent la flore spontanée colonisée par les endomycorhizes et inhibent le développement du mycélium et la germination des spores. Ils diminuent d’autant les effets positifs des mycorhizes sur le développement des végétaux. Une étude a montré que sur 19 matières  actives,  principalement  fongicides, 11 réduisent significativement la colonisation mycorhizienne des cultures qui sont traitées, notamment lorsque le produit touche le sol.  La  sélection  variétale  est  orientée  vers  des cultures à haut niveau d’intrants peu dépendantes des symbioses, elle en ignore complètement l’existence dans ces choix de sélection. Les recherches ont montré que sur 11 variétés de blés sélectionnés depuis 1975, une seule variété est mycorhizée, alors que sur 11 variétés anciennes 8 sont mycorhizées.

Couverture des sols
Les pratiques à privilégier pour bénéficier des atouts qu’apportent les mycorhizes sont le non-retournement ou pulvérisation des sols, la décompaction et la fissuration sont alors à privilégier pour éviter de déstructurer les réseaux mycorhiziens. La fertilisation organique plutôt que minérale permet d’entretenir les communautés bactériennes auxiliaires des mycorhizes tout en évitant que la plante cesse d’alimenter les champignons nécessaires pour transférer azote et phosphore organique.
La couverture maximale des sols est également favorable aux  mycorhizes  notamment  avec la présence d’interculture. De même, l’introduction de légumineuses dans les rotations assure ce service en plus de la fixation d’azote. En revanche, la mise en place de brassicacées (colza, radis, moutarde…) qui ne mettent pas en place de mycorhizes est à limiter dans les rotations. L’alternative est de les implanter en association. De même, l’utilisation de variétés anciennes reste intéressante.
La mise en œuvre de certaines de ces pratiques fait à la fois appel aux bases de l’agriculture biologique et à celles de l’agriculture de conservation. Ces nouvelles compréhensions du vivant montrent l’intérêt d’un rapprochement de ces formes d’agriculture et d’approfondir les recherches alliant ces  deux  orientations de pratiques. La difficulté reste l’obtention de rendement pertinent au regard de la maîtrise de l’enherbement sans pulvérisation des horizons du sol ou d’usage de produits chimiques de synthèse (phytosanitaire et engrais minéral de synthèse) notamment pour la maîtrise de l’herbe.
 

Contact : Ludivine Mignot, conseillère bio chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques