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La limite planétaire du cycle de l’eau douce a été atteint

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La limite planétaire concernant l’utilisation d’eau douce (eau verte) a été franchie. Elle rejoint les 5 autres déjà dépassées, dont la dernière avait été officiellement dépassée en janvier 2022.

Neuf limites planétaires ont été identifiées et sont suivies par un groupe de 28 scientifiques internationaux menés par Johan Rockström afin d’iden-tifier les processus qui régulent la stabilité et la résilience du système terrien. Les chercheurs proposeront une mesure quantitative des frontières planétaires dans lesquelles l’humanité peut continuer à se développer et à prospérer. Bien qu’en discussion avec d’autres scientifiques cette approche à le mériter de nous alerter sur les domaines sur lesquels agir.
Le 22 avril dernier, il est apparu, suite à une nouvelle approche, que la limite du cycle de l’eau douce a été atteinte après celle de la diversité génétique, de l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère, du changement d’utilisation des sols, du changement climatique et la perturbation du cycle du phosphore et de l’azote. Vous constaterez que l’agriculture est largement en lien avec nombre de ces paramètres.

Réseau vital
Le cycle de l’eau douce est plus large qu’il n’y paraît. Cette étude prend, notamment, en compte le cycle de l’eau verte qui est celle disponible pour les plantes, fondamentale en agriculture, dans l’évaluation de cette limite planétaire. Nous connaissons l’eau bleue qui est la part de l’eau issue des précipitations qui s’écoule dans les cours d’eau jusqu’à la mer ou qui est recueillie dans les lacs, les aquifères ou les réservoirs. Jusqu’ici, les études ne prenaient en compte que les prélèvements d’eau des rivières, des lacs et des eaux souterraines. Mais la part des précipitations atmosphériques qui est absorbée par les végétaux n’avait jamais été étudiée en tant que telle.
Cette nouvelle étude prend bien plus en compte le rôle de cette dernière, en particulier l’humidité du sol, dans la résilience de la biosphère, dans la sécurisation des puits de carbone terrestres et dans la régulation de la circulation atmosphérique. L’auteur principal de l’étude, Lan Wang-Erlandsson, a déclaré : « L’eau est la circulation sanguine de la biosphère. Mais nous sommes en train de modifier profondément le cycle de l’eau. Cela affectera la santé de la planète entière et la rendra beaucoup moins résistante aux chocs ». Cela vient compléter les travaux du dernier rapport du GIEC et les chapitres qui concernent le cycle de l’eau, d’ores et déjà modifié à un rythme supérieur à tout ce que nous avons connu au cours de l’ère géologique de l’Holocène, c’est-à-dire plusieurs milliers d’années.
Vous demanderez en quoi l’agriculture biologique aide à la gestion de ce phénomène d’érosion de l’eau disponible pour les plantes ? Tout d’abord, l’agriculture biologique n’est pas la seule agriculture pouvant préserver la ressource en eau, l’agroforesterie et la permaculture font partie des systèmes agricoles avec un usage d’eau limitée. Mais c’est surtout le principe de respect du vivant et d’autonomie du système agricole qui est à prendre en compte. On ne fera pas mieux que la nature mais il est fortement recommandé de s’en inspirer pour moins l’impacter tant pour l’eau que pour les autres intrants utilisables.

Préservation du vivant
L’agriculture biologique, à travers son cahier des charges, permet d’orienter son modèle de production vers des systèmes plus soutenables et plus résilients, s’il est mis en œuvre dans une logique de préservation du vivant et de bon sens. En effet, plutôt qu’irriguer, il promeut l’usage de plantes adaptées à leur environnement et ainsi nécessitant peu d’apports extérieurs. Il promeut également la mise en place de système diversifier, tant par la rotation des cultures imposée qui, de fait, introduit des cultures non irriguées dans les assolements et réduit donc la consommation d’eau, que par la promotion de la présence de couverts riches en légumineuses sur les sols qui permettent à la fois une gestion de la fertilité mais impacte aussi la disponibilité en eau des sols.
Le travail du sol, s’il est maintenu tend vers un travail plus léger du sol, notamment en passant par un labour agronomique de 15 à 20 cm de profondeur afin de préserver la matière organique des sols, moteur tant de la fertilité que du stockage de l’eau dans le complexe argilo-humique.
Toutes ces pratiques ont été retenues dans les mesures d’adaptation durables applicables pour rendre les systèmes agricoles moins vulnérables face à une gestion quantitative de l’eau dans le projet européen AgriAdapt. En complément de ces éléments ont été identifiés l’utilisation d’outils d’aide à la décision pour l’irrigation et l’utilisation de techniques efficientes d’irrigation.
La promotion de la biodiversité dans les systèmes biologiques est également un moyen de limiter l’augmentation de la température des sols notamment en mettant en place des haies. En effet, de nombreuses études dont celle de l’INRAE AfForward et Carbocage, montrent que les haies modifient la circulation de l’eau en surface du sol, ralentissant le ruissellement et favorisent l’infiltration de l’eau. Elles limitent les risques et les effets des phénomènes de sécheresses et/ou de crues de faibles intensités. Elles ralentissent également l’érosion éolienne ou hydrique des sols et stockent du carbone. Elles ont donc de nombreux avantages.
De plus, il est bon de rappeler que les cahiers des charges de l’agriculture biologique, de par l’interdiction de produits phytosanitaires de synthèse, de l’absence d’utilisation de minéraux de synthèse et des chargements limités en élevage, est largement reconnu pour la limitation de la pollution de l’eau tant en substances actives qu’en azote et phosphore.

Limiter les perturbations
Mais, pas besoin d’être en bio pour mettre tous ces éléments en place dans les systèmes de production, le cahier des charges bio peut juste être une ligne directrice pour préserver notre agriculture de demain et éviter d’atteindre les limites climatiques que l’agriculture conventionnelle tend à favoriser dans les pratiques mises en œuvre depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le cahier des charges bio, même s’il ne s’attaque pas à tous les maux de l’agriculture, permet d’orienter les pratiques agricoles dans le cadre d’une approche globale de respect du vivant et des cycles géobiologiques. Il tend à répondre, également, à la limite de la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, de l’érosion de la biodiversité, de la limitation de l’introduction de nouvelles entités de la biosphère de changement d’utilisation des sols qui sont les autres limites déjà atteintes. Il est encore temps d’agir. Donc action !

Contact : Ludivine Mignot, conseillère bio chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques