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Intempéries : quelles options pour l’herbe ?

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Les conditions météo de ces dernières semaines dans le Sud-Ouest compliquent l’utilisation des l’herbe et les semis. L’herbe exploitée tardivement sera à réserver si possible à des animaux à faibles besoins.

Les conditions météo sont particulièrement instables, avec localement de violents orages. Si ces pluies favorisent la repousse de prairies, elles compliquent l’utilisation de l’herbe et les semis qui n’auraient pu être faits, sans compter les éventuels dégâts de ces derniers jours… Les prévisions sont aux averses orageuses jusqu’à la fin de la semaine prochaine, sachant qu’il faudra encore attendre le ressuiement des sols, en particulier en Béarn, avant toute intervention. Dans ce contexte, quels sont les points de vigilance à prévoir ?

Pâture
Tourner vite sans pâturer ras : tel est le point à avoir toujours en tête. Pour ce faire, des surfaces doivent être accessibles en nombre, ce que permet la mise en pâture de prairies initialement destinées à la fauche. En conditions de portance dégradées ou de pousse défaillante, il devient sage de restreindre l’accès aux prairies, dans l’objectif de limiter le piétinement ou le surpâturage ; la stratégie peut alors être, soit le maintien du bétail sur une ou plusieurs parcelles sacrifiées (avec affouragement), soit le retour en bâtiment. Ces précautions préservent le potentiel des prairies délaissées. Au retour des beaux jours, on pourra envisager d’autres actions détaillées ci-dessous.

La hauteur moyenne de végétation idéale pour de la pâture est de 12 à 15 cm, selon les troupeaux ; au-delà de 20 cm, les refus seront abondants, à moins de pratiquer le pâturage au fil (si possible avec fil arrière, si le temps de séjour devait dépasser les 4 jours), ou le topping (fauche préalable, avec quelques heures de préfanage, à la pâture), ou de les faire brouter par un lot d’animaux nettoyeurs à faibles besoins. Limiter ainsi les gaspillages permet, par le nivelage de la végétation, une bonne valorisation ultérieure des repousses.
On peut être amené à devoir intervenir mécaniquement ; le broyage, ou mieux, la fauche des refus qui, par sa netteté de coupe, est plus favorable au redémarrage de l’herbe, est alors à effectuer de préférence le jour même de la sortie des animaux, à une hauteur de végétation résiduelle de 10 cm, pour ne pas amputer les nouvelles feuilles. Un autre avantage de la fauche des refus est d’exporter la vieille végétation, support de moisissures favorisées par les conditions actuelles et potentiellement sources de désordres métaboliques.

Remise en état
Les prairies qui auront été défoncées pourront éventuellement être hersées ou rouleautées avec un outil de type cultipacker, une fois ressuyées ; elles peuvent aussi rentrer dans une rotation, et être semées par exemple avec des dérobées estivales, pour pâture ou stock.
Plusieurs plans B sont envisageables, en implantation estivale, en particulier aussi sur de jeunes semis de cultures qui auraient été détruits : sorgho fourrager, millet perlé, moha, RGI, crucifères… à associer de préférence à des légumineuses. Des ressemis de maïs (fourragers) sont encore envisageables, à la condition d’adapter les indices et sous réserve de disponibilité des variétés adéquates. La réimplantation en prairie ou son regarnissage éventuel par sursemis sera envisageable à l’automne. Une implantation avec un mélange céréales/protéagineux (quitte à semer sa prairie sous ce méteil) sera aussi une option envisageable, d’autant plus si le besoin est fort de reconstituer des stocks.

Éventuelle fertilisation ?  
Des ajustements de fertilisation ou/et de taille de lots pourront aussi être nécessaires pour doper les repousses. Ce sera toutefois inutile là où la proportion de légumineuses est supérieure à 30 % de la masse végétale. Autrement, pour les prairies graminées et en cas de reprise de végétation poussive, un apport de 30 à 40uN/ha devrait être suffisant, à la condition de pouvoir bénéficier de pluies en suivant.

Fauches
En conditions idéales (beau temps, hygrométrie et vent), le fanage au champ nécessite de 3 et 5 jours, pour atteindre une teneur en matière sèche satisfaisante pour du foin (TMS > 85 %). Les fenêtres actuelles d’intervention orientent donc les choix vers les conserves humides, ensilages ou enrubannages, voire vers le séchage en grange. L’objectif est alors d’atteindre le plus rapidement possible les taux de matière sèche nécessaires à une bonne conservation de ces stocks, à savoir 30-35 % pour un ensilage, 45-50 % pour un enrubannage (alors pas destinable aux brebis en lactation AOC) ; le séchage vrac à la ferme demande plutôt de monter à 50-60 % avant engrangement

Ensilages et enrubannages ?  
Les ensilages sont habituellement réservés à des coupes précoces. Une végétation âgée induit ensuite une diminution de la digestibilité, du fait de sa forte teneur en lignine. En cas cependant de grosses quantités d’herbe (pas couchée) à faucher, c’est un moyen de stockage rapide et relativement économique. Il sera alors primordial de couper en brins courts, et d’employer des conservateurs.
Les enrubannages sont de coût supérieur ; la technique permet cependant de sauver une coupe, en limitant les pertes de valeur alimentaire, donc les besoins de corrections des rations ultérieures. C’est aussi un moyen de gestion des chantiers de récolte, utile pour gérer des surfaces modérées tout en décalant les pousses d’herbe. Attention à ne pas enrubanner sous la pluie, pour éviter de perdre l’effet collant du film.
Même réduit, si la portance est établie, tout créneau météo est à mettre à profit. Il faudra alors à la fois favoriser un préfanage rapide et être très rigoureux sur la propreté du fourrage à stocker. Les recommandations sont de :

  • Faucher le matin après la rosée,
  • Faucher haut, à 7-8 cm, après élimination d’éventuelles taupinières,
  • Ne pas racler le sol avec les outils,
  • Éviter de rouler sur l’andain,
  • Faner énergiquement dans les 2 heures après la fauche ; si le temps est beau, refaire un deuxième fanage en milieu d’après-midi, le jour même,
  • Andainer large.

Quand la masse verte est très abondante, on a tout intérêt à la conditionner.

En cas de verse
Une herbe couchée est à réserver au foin, si le risque de rentrer de la terre est trop important pour la réalisation des conserves humides. La fauche sera à réaliser, dans la mesure du possible, dans le sens contraire de la verse, en inclinant la barre de coupe vers l’avant.

En cas de pourrissement 
Si l’herbe sur pied est en partie pourrie, elle ne pourra donner qu’un fourrage peu appétant, de médiocre valeur et à risque sanitaire non négligeable. Il est cependant indispensable d’évacuer cette végétation, afin de pouvoir disposer des repousses avant les chaleurs estivales. Les possibilités sont alors, soit de :

  • Faucher et presser dès que possible, avec élimination des bottes réalisées ; c’est coûteux, mais la repousse rapide souhaitée est facilitée,
  • Attendre de pouvoir faire du foin : c’est tout de même du stock, au risque cependant, si le temps tourne au sec, que la végétation ne redémarre pas,
  • Broyer et laisser les résidus se décomposer ; ce n’est pas forcément la meilleure option si le volume d’herbe à éliminer est important, et ce peut être source de développement de moisissures.

Foin humide : attention aux échauffements !
Pressé insuffisamment sec, un fourrage va fermenter. Pour sauver tout de même un foin un peu juste en séchage, si la pluie menace, du sel peut être épandu sur l’andain (à 100 kg pour 15 TMS) avant pressage ; des conservateurs (acide propionique ou propionate d’ammonium) peuvent aussi être utilisés. Les phénomènes d’auto-combustion peuvent intervenir entre les dixième et trentième jours de pressage. En cas de doute sur le taux d’humidité des bottes, une sonde à fourrage peut être utile : en-dessous de 45 °C, la température est normale ; au-dessus, l’évolution est à surveiller. Des températures de 55 à 65 °C signent des fermentations en cours : le foin caramélise et perd en valeur alimentaire (mais pas forcément en appétence). Il est prudent alors de dépiler les bottes, pour aérer les tas, et de disposer d’un extincteur à eau à proximité. À partir de 70 °C, les bottes sont à entreposer à l’extérieur ; la situation devient dangereuse.
Sans sonde de température, l’affaissement des bottes lorsqu’elles sont empilées est un autre signe de leur humidité ; il est alors impératif de les laisser au sol environ 3 semaines, sans mise en tas.

Conclusion
La valeur nutritive et l’ingestibilité de l’herbe et des fourrages sont déterminées avant tout par l’âge de la végétation au moment de son utilisation. Cette année, beaucoup d’herbe sera exploitée tardivement, donc grossière et de moindre valeur alimentaire ; elle sera à réserver si possible à des animaux à faibles besoins ; le maintien du niveau de production laitière demandera en effet une complémentation importante, ou une perte d’état du bétail, pour compenser le manque de densité nutritive.
Identifier les différents types de fourrages stockés est important, afin de pouvoir les destiner aux animaux en fonction de leurs besoins physiologiques respectifs. Une analyse de valeur alimentaire complétera idéalement l’information, pour anticiper les nécessaires ajustements des rations.

Contact : Marie-Claude Mareaux Conseillère Herbe et Fourrages à la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques

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